Résistance républicaine publie la deuxième partie de l’entretien du « Figaro » avec Yoram Hazony qui développe sa préférence pour le nationalisme contre l’impérialisme.
Voir la première partie ici :
Pourquoi le modèle nationaliste est-il meilleur, selon vous?
Parce que ce modèle permet à chaque nation de décider ses propres lois en vertu de ses traditions particulières.
Un tel modèle assure une vraie diversité politique, et permet à tous les pays de déployer leur génie à montrer que leurs institutions et leurs valeurs sont les meilleures.
Un tel équilibre international ressemblerait à celui qui s’est établi en Europe après les traités de Westphalie signés en 1648, et qui ont permis l’existence d’une grande diversité de points de vue politiques, institutionnels et religieux.
Ces traités ont donné aux nations européennes un dynamisme nouveau: grâce à cette diversité, les nations sont devenues autant de laboratoires d’idées dans lesquels ont été expérimentés, développés et éprouvés les théories philosophiques et les systèmes politiques que l’on associe aujourd’hui au monde occidental.
À l’évidence, toutes ces expériences ne se valent pas et certaines n’ont bien sûr pas été de grands succès.
Mais la réussite de l’une seule d’entre elles – la France, par exemple – suffit pour que les autres l’imitent et apprennent grâce à son exemple.
Tandis que, par contraste, un gouvernement impérialiste comme celui de l’Union européenne tue toute forme de diversité dans l’œuf.
Les élites bruxelloises sont persuadées de savoir déjà avec exactitude la façon dont le monde entier doit vivre.
Il est pourtant manifeste que ce n’est pas le cas…
Mais ce «nouvel ordre international» n’a-t-il pas permis, malgré tout, un certain nombre de progrès en facilitant les échanges marchands ou en créant une justice pénale internationale, par exemple?
Peut-être, mais nous n’avons pas besoin d’un nouvel impérialisme pour permettre l’essor du commerce international ou pour traîner en justice les criminels.
Des nations indépendantes sont tout à fait capables de se coordonner entre elles.
Alors, certes, il y aura toujours quelques désaccords à surmonter, et il faudra pour cela un certain nombre de négociations.
Et je suis tout à fait capable de comprendre que d’aucuns soient tentés de se dire que, si on crée un gouvernement mondial, on s’épargne toutes ces frictions.
Mais c’est là une immense utopie.
La diversité des nations rend strictement impossible de convenir, universellement, d’une vision unique en matière de commerce et d’immigration, de justice, de religion, de guerre ou de paix.
La diversité des points de vue, et, partant, chacun de ces désaccords, sont une conséquence nécessaire de la liberté humaine, qui fait que chaque nation a ses propres valeurs et ses propres intérêts.
La seule manière d’éviter ces désaccords est de faire régner une absolue tyrannie – et c’est du reste ce dont l’Union européenne se rend peu à peu compte: seules les mesures coercitives permettent d’instaurer une relative uniformité entre les États membres.
Ne redoutez-vous pas la compétition accrue à laquelle se livreraient les nations dans un monde tel que vous le souhaitez? Au risque de renforcer le rejet ou la haine de ses voisins?
Dans mon livre, je consacre un chapitre entier à cette objection qui m’est souvent faite.
Il arrive parfois qu’à force de vouloir le meilleur pour les siens, on en vienne à haïr les autres, lorsque ceux-ci sont perçus comme des rivaux.
Mais nous devons alors reconnaître, tout aussi humblement, que les mouvements universalistes ne sont pas exempts non plus d’une certaine inclination à la haine ou au sectarisme.
Chacun des grands courants universels de l’histoire en a fait montre, qu’il s’agisse du christianisme, de l’islam ou du marxisme. En bâtissant leur empire, les universalistes ont souvent rejeté les particularismes nationaux qui se sont mis en travers de leur chemin et ont refusé d’accepter leur prétention à apporter à l’humanité entière la paix et la prospérité.
Cette détestation du particulier, qui est une constante dans tous les grands universalismes, est flagrante aujourd’hui dès lors qu’un pays sort du rang: regardez le torrent de mépris et d’insultes qui s’est répandu contre les Britanniques qui ont opté pour le Brexit, contre Trump, contre Salvini, contre la Hongrie, l’Autriche et la Pologne, contre Israël…
Les nouveaux universalistes vouent aux gémonies l’indépendance nationale.
En quoi le nationalisme est-il une «vertu»?
Dans le sens où un nationaliste ne prétend pas savoir ce qui est bon pour n’importe qui, n’importe où dans le monde.
Il fait preuve d’une grande humilité, lui, au moins.
N’est-ce pas incroyable de vouloir dicter à tous les pays qui ils doivent choisir pour ministre, quel budget ils doivent voter, et qui sera en droit de traverser leurs frontières?
Face à cette arrogance vicieuse, je considère en effet le nationalisme comme une vertu.
Le nationaliste, lui, dessine une frontière par terre et dit au reste du monde: «Au-delà de cette limite, je renonce à faire imposer ma volonté. Je laisse mes voisins libres d’être différents.»
Un universaliste répondra que c’est immoral, car c’est la marque d’une profonde indifférence à l’égard des autres.
Mais c’est en réalité tout l’inverse: le nationaliste est vertueux, car il limite sa propre arrogance et laisse les autres conduire leur vie à leur guise.
Que vous inspirent les difficultés qu’ont les Britanniques à mettre en œuvre le Brexit? N’est-il pas déjà trop tard pour revenir en arrière?
Non, il n’est pas trop tard.
Si les différents gouvernements nationalistes aujourd’hui au pouvoir dans le monde parviennent à prouver leur capacité à diriger un pays de manière responsable, et sans engendrer de haine ou de tensions, alors ils viendront peut-être à bout de l’impérialisme libéral.
Ils ont une chance de restaurer un ordre du monde fondé sur la liberté des nations.
Il ne tient désormais qu’à eux de la saisir, et je ne peux prédire s’ils y parviendront: j’espère seulement qu’ils auront assez de sagesse et de talent pour cela.
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Ce mot « impérialisme » devrait faire parti du jargon des nationalistes et/ou souverainistes dans leur discours, plus souvent que d’habitude, c’est éclairant.