Mon père est mort.
Mon père est mort. Depuis un paquet d’années. Je m’interroge… Depuis quand met-on les années en paquet ? A peu près sûr que personne ne sait. Qu’importe. Il est bel et bien mort, comme on dit. Mais finalement, ça m’indiffère complètement. Ce n’est pas triste à dire. C’est comme ça ! En fait, il est enterré, quelque part. Dans un cimetière. Ça ne me fait rien de penser à ça. Rien de spécial. Il est retourné à la poussière. Et les affaires ont repris. Sans attendre ! C’est comme ça dans la vie, avec certains morts.
Mais il aura définitivement disparu quand je penserai une dernière fois à lui. Puis, plus du tout. Mais de Socrate, on va parler encore longtemps. Et de le savoir, ça me rassure.
Je parle de mon père mort, mais j’ai peu de souvenirs de sa vie. De sa vie me concernant, s’entend. Le reste, son parcours, son passé, ses joies, ses peines, tout le fatras, l’avait comme précédé dans l’ombre. Je ne sais pas et n’ai jamais su à quoi il pensait vraiment. Ses options, ses choix, m’ont toujours été étrangers, comme interdits. Mais il ne me semble pas qu’il ait eu un parti pris pour la Vie. Je l’aurais su. Ce genre de choses se partagent. Enfin… je crois.
Après, l’enfance malheureuse, terrible même, la guerre. Le costume des zouaves lui a tapé dans l’œil. C’est tout con. Et il s’est retrouvé congelé, en guenilles, sur les routes du fin fond de la Pologne. Prisonnier de guerre. Et pas qu’un peu. Des années de dictature de la souffrance. S’ajoutant au pedigree plein de tabasses, d’abandon, d’alcool et de terreurs nocturnes.
Mon père était tatoué. Pour mes yeux d’enfants, mon père était tatoué de partout. Ces dessins, ce texte, son cri, son discours, sa signature. Et pour le reste, silence. Un mur de silence qui a cloîtré toute mon enfance. Ce qui au final, n’a pas empêché et favorisé peut être même, l’empire grandissant de mes rêves et de mes pensées…
Mon père était dur, parfois violent, dénué du moindre désir de partager sa vie avec les enfants que nous étions. Et ma mère, dans les coursives de la peur. Mais c’est une toute autre histoire.
Sur le versant descendant de sa vie, mon père est devenu croyant. La foi s’est emparée de lui, au sortir d’une crise de delirium qui faillit lui être fatale. Du fil des péripéties et du tumulte intérieur de cet homme, s’ensuivit alors le règne de l’Intégrisme. Après la tyrannie, le sépulcre de la pathologie religieuse… Nom de Dieu !
Je me suis enfui, mal sevré. Tomba sur mes épaules l’ascèse de la solitude. Et la jeunesse vint.
Jeunesse qui se passe et qui passe. Tant mieux !
Cet absolutisme, cet intégrisme, cet univers inquisiteur, mon père s’en est encanaillé ! Au point que j’ai fini par le surnommer l’ayatollah… A l’extrémité de quoi, il me traita plusieurs fois de sataniste, de suppôt de Satan. Notamment, un jour, à la vue de ma guitare électrique, posée sur un lit.
Je me souviens d’une violente dispute. Je commençait à peine à sortir de l’esclavage de la peur. La peur du père. Peur Biblique. Je lui ai jeté à la face tout ce que je pouvais articuler, mes quarante vérités. Et là… Mon père, le Pasteur, toujours en quête d’âmes fraîches et désorientées. L’homme a sorti la lame. Un Navaja Espagnol. Ma colère est devenue un bloc de granit. Il voulait ma peau…
Heureusement, il s’est enfui. Nous nous sommes peu vus depuis. Puis il est mort. Dans une ambulance qui le ramenait chez lui. Je me suis tapé le trajet pour assister à son enterrement. Pour tenir le coude de ma mère. Lui au funérarium, allongé, avec une tête que je ne lui connaissais pas. Une tête d’homme sans tribu.
Je suis retourné à mes occupations. Les affaires ont continué. Et je joue de la guitare électrique. Du Blues bien sûr !
Je ne suis pas prêt à laisser quelque intégrisme, quelque radicalisme que ce soit, s’approcher de près des pores de ma peau.
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Que cet homme ait souffert, ça , on n’en sait rien, de toutes façons ça ne lui donnait pas le droit de faire souffrir sa famille, et ce n’est pas une bonne excuse,
Il y a des salauds, pères de famille,
malheureusement, tout le monde n’a pas la chance de naitre sous une bonne étoile, et les enfants de ces familles détruites, marquées, torturées par des pères abusifs et violents, ont un mérite d’autant plus grand quand ils arrivent à transcender la monstruosité de leur enfance, et à s’en sortir sans reproduire la monstruosité de leur géniteur,
Bravo Paco, nous livrer ton enfance, c’est t’en libérer un peu
Ce n’est pas parce que les parents ont eu la vie dure qu’ils doivent se comporter en tyrans jusqu’à sortir un couteau pour menacer un enfant qui pense différemment. Il devrait y avoir une école des parents avant de le devenir. Je comprends maintenant pourquoi Paco tatoue les « méchants » en noir. Il transforme sa colère et sa peine en œuvre d’art.
Cet homme a beaucoup souffert pour en arriver à de telles extrémités. Il a trouvé dans l’intégrisme religieux une réponse à son mal être comme d’autres se détruisent avec l’alcool et détruisent aussi la vie de leurs proches.
il faut en avoir gros sur la patate pour faire un tel récit de sa tendre enfance, je ressent même un certain chagrin dans ce récit.
Ton père ne te méritait pas, Paco; et pourtant de lui est sorti un artiste et un homme qui a du cœur pour sa mère. Tu nous régales de tes mots. Dommage qu’on ne puisse écouter tes morceaux de guitare. Merci pour ton courage.
Ah! Ces pères, insignifiants, lâches, hypocrites, lislamcépassa. Mais alors pourquoi tu les combats pas. Ou tu les combats, papa, ou tu la fermes.
Merci pour ce témoignage intime. Votre père a souffert dans son enfance et cela l’a poursuivi, c’est naturel. Il a perdu sa tendresse de père. Et vous, vous avez trinqué … Mais la mort de votre père ne vous indiffère pas, on ne peut pas rayer son passé (surtout son enfance), c’est en lui que sont nos racines. Personne n’a de père parfait. Nous sommes tous appelés à accepter notre passé et nos erreurs (mais je ne vous dirai pas quelles sont les miennes !).
Bon courage et bon vent !
Le témoignage intime dont vous parlez, est l’introduction de la « phrase qui compte », celle qui m’identifie à l’endroit ou je suis. Ici, sur ce blog ! Cette phrase, c’est la dernière
Quand j’étaie enfant, déjà, je voulais entrer dans la police et devenir commissaire. C’était ma vocation et pourtant, mon père était indusriel, chef d’entreprise. Il travaillait dans une boîte de robineterie Gâchot, qui livrait les sous-marins de la région de Cherbourg.
Puis en grandissant, j’évoluais. Je voulais intégrer l’Armée de terre et devenir soldate.
On me fit passer en 1985, un C.A.P de Sténodactylo qui n’existe plus maintenant.
J’obtins la première partie et la seconde en 1987.
Il m’aurait fallu :
– Passer le bac après le C.A.P. (or, j’étais nulle en mathématique. Je le suis toujours jjusqu’à la fin de mes jours)…
– Réussir un bac ce n’est pas chose aisée et on m’orienta vers une capacité en droit (que je n’ai jamais pu avoir : trop dur pour moi). Ce n’était pas mon fort, le droit. J’étais plutôt axée sur la stratégie, la tactique, les armées sur le champ de bataille, la disposition des effectifs et des chars. Je ne connaissais que le monde militaire et me passionnait pour eux. J’achetais des tenues que je mettais régulièrement pour me rendre aux convocations pour le travail. Je n’avais pas les rangers mais des chaussures normales ou des bottines westerns.
Je voulais toujours aller dans l’armée et je n’ai jamais pu le faire. Cela m’aurait changé ma vie.
J’aurais fait peut-être Saint-Cyr puis rejoindre un régiment, monter en grade, voyager un peu partout. Peut-être que mon existence serait différente.
» j’étais nulle en mathématique. Je le suis toujours jjusqu’à la fin de mes jours)
Sylvie, si je te disais que je fais encore parfois des cauchemars avec cette saloperie de y = ax2+bx+c ou je me trouve devant une feuille blanche avec un stylo sans encre ….
je hais , c’est viscéral , cette matière…tu me rassures 😆
Mon père est décédé à) la suite d’une grave maladie : le cancer du colon, le 13 juin 2004. Il avait 75 ans.
Toute sa vie, il n’a pensé qu’à sa famille, ses enfants que nous sommes et le devenir. Il était simple, gentil, agréable, plaisantait beaucoup (tout comme moi : je sais de qui tenir). Quand il se rendait au restaurant avec nous, il sisait toujours : « Est-ce que je peux payer ? » provoquant l’hliarité ou l’étonnement de la serveuse.
Quand il est mort, en ce dimanche électoral du 13 juin 2004, ce fut un jour de tristesse. Il faisait beau comme aujouurd’hui, et ma famille fut prévenue. On passa la journée à se souvenir des bons moments passés, des parties de franche rigolade et des manifestations auxquelles nous allions avec mon père. Il aimait la peinture, les cartes postales, les timbres et les livres, mais aussi chiner avec nous dans les foires à tout. Il échangeait des propos avec les exposants.
Mon père aimait la vie et les animaux. Malgré les crises d’asthme, il aimait les chats et les chiens… On avait jusqu’en 1993, un épagneul breton, répondant au nom de Kojack. Ah quiel personnage que Kojack ! un bon chien noir et blanc, gentil mais souvent caractériel tout comme Kalinka, mon chat noir et blanc.
Mon père était toujours prêt à venir en aide aux autres. C’est pour cela qu’il avait crée en 1973, le lion’s club Rouen Drakkar. Un premier jumelage avec l’Allemagne se réalisât et on fut accueillit par les Allemands comme de la famille. La vraie famille européenne (pas celle que l’on veut nous imposer avec la Turquie et les autres pays musulmans). Esprit de solidarité et d’amitié. Mon père, c’était cela, Christine. Il aimait les gens.
Bonjour Paco,
Beau texte, par lequel vous livrez de vous. Beau geste donc, et pas seulement beau texte.
L’intégrisme était le problème de votre père, pas celui de sa religion, qui prône le contraire du fanatisme. Votre père était déjà dur et fermé avant de devenir croyant. Dommage que sa croyance n’ait pas adouci son caractère.
Tandis que l’intégrisme fait partie de l’islam.
Ce n’est que depuis que je vis en France que je rencontre tant de personnes qui mettent toutes les religions dans le même sac, ce qui à mon avis est une forme de paresse.
Vous dites que votre père aura disparu quand vous cesserez de penser à lui.
A mon avis vous ne cesserez jamais complètement de penser à lui.
Enfin pas tant que vous serez vivant.
Sans doute parce-que vous savez, au fond de vous-même, à côté de quels bonheurs sa dureté et son hermétisme vous ont fait passer.
Et comme vous l’expliquez un peu rapidement, il a lui-même énormément souffert, et c’est peut-être ça qui l’a endurci.
bien dit!