Le 5 décembre dernier, un policier chargé de la protection de Muriel Pénicaud (ministre du travail) se suicidait.
Dans une lettre-testament adressée à Gérard Collomb, le major de police Xavier T dénonçait les agissements de sa hiérarchie coupable de ne penser « qu’à ses privilèges et à se servir en premier. »
http://www.lepoint.fr/societe/suicide-dans-la-police-la-lettre-testament-du-garde-du-corps-de-muriel-penicaud-a-gerard-collomb-09-05-2018-2217112_23.php
Méprisées, insultées, raillées, haïes, les forces de l’ordre ont l’habitude de prendre des coups, qu’ils viennent de zadistes, des antifas ou des racailles de banlieues.
Le Français moyen, lui, maugrée avec raison contre des pandores trop zélés qui le flashent pour un ou deux km/h de plus.
Pour les contraventions liées aux dépassements de vitesse ou au défauts de stationnement, le remplacement des policiers ou des gendarmes par des sociétés privées améliora-t-il leur image ?
Mais là n’est pas la question dans cet article du journaliste du Point.
Aziz Zemouri (généralement peu amène avec les forces de l’ordre) nous retranscrit ainsi la lettre-testament du major T adressée au ministre de l’Intérieur.
Je vous fais part du malaise des policiers et plus particulièrement au sein du SDPP (la sous-direction de la protection des personnes qui au sein de l’ex-SPHP devenu SDLP, assure, entre autres, la sécurité des personnalités gouvernementales, NDLR). Depuis 2012, le service n’a cessé de se dégrader, où le côté humain n’est plus pris en compte. Oui, nous ne sommes plus que des matricules, corvéables à merci ou plutôt à disposition de notre haute hiérarchie qui ne pense qu’à ses privilèges et à se servir en premier.
Lors des attentats de Charlie Hebdo, nous avons perdu un VIP (une personnalité protégée en jargon du service, NDLR) et surtout un collègue qui avait fait remonter des informations sur le risque, de plus en plus accru, d’attentat. Onze mois plus tard, notre directeur touchait une prime au mérite qui représente deux ou trois ans de salaires des fonctionnaires à son service. C’est ça, la reconnaissance. Pendant ce temps, les effectifs travaillaient plus à vingt à trente jours ininterrompus.
Je vous laisse seul juge de la situation. (…)
Je vous remercie de m’avoir lu et vous présente mes respects. »
Peu après, le major Xavier T. se tuait devant la gendarmerie de Rozay-en-Brie (77). Comme 60 collègues policiers et gendarmes qui ont mis fin à leurs jours en 2017. (Le Point)
Pour la hiérarchie, ces suicides s’expliquent d’abord par les « problèmes personnels » (dépression, divorce, endettement…), rarement par les difficultés liées au métier.
Pourtant, celui-ci a dû s’adapter à la notion de rentabilité et de performance, inscrite dès 2007, dans la RGPP (Révision générale des politiques publiques) via la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances). Sarkozy « l’américain » s’était sans doute inspiré du modèle libéral en vigueur aux États-Unis pour introduire « la culture du résultat » dans le milieu de la sécurité.
Or, que sont « les objectifs de performance » pour un gendarme, un douanier ou un policier sinon faire rentrer toujours plus d’argent dans les caisses publiques au détriment du service.
Dans le cas de Xavier T, « depuis 2012, Frédéric Auréal, directeur du SPHP […], est critiqué notamment par les organisations syndicales représentatives pour avoir réformé son service à marche forcée. Non pas, selon elles, pour gagner en efficacité, mais pour réaliser des économies à la demande du ministère de l’Intérieur et de Bercy » relate Aziz Zemouri.
« Il lui est également reproché d’accorder trop facilement des protections – cédant aux pressions politiques –, augmentant ainsi le nombre des missions des policiers du SDLP, qui se disent épuisés ».
Ce qui semblait le cas de Xavier T, officier de sécurité de Christiane Taubira, puis de Muriel Pénicaud.
Le père du policier du SDLP qui s’est donné la mort accuse ouvertement sa hiérarchie (Actu17).
« J’ai ressenti comme de la pression et de l’intimidation (devant) le fait que je doive supplier la justice de me donner une copie de la lettre que mon fils nous a laissée » se plaint Jean-Louis T.
« J’ai été interrogé par les enquêteurs le 9 décembre. Toutes les questions étaient orientées sur les problèmes personnels de mon fils. Je ne nie pas que cela ait pu avoir une influence sur son geste fatal, mais je voudrais que sa hiérarchie reconnaisse elle aussi sa part de responsabilité. »
Et de poursuivre, lorsqu’il évoque ses discussions avec son fils unique : « Il me disait à quel point son administration est inhumaine, en particulier les directeurs plus soucieux d’assurer leur carrière sur le dos des policiers de terrain que de leur apporter leur aide et soutien. »
Une administration inhumaine… C’est le ressenti de nombre « d’usagers » et de personnels confrontés aux services ou aux résultats des politiques publiques de l’État.
Pour preuve, ce manque d’empathie et de compassion de l’actuel directeur général de la police nationale envers le geste de Xavier T. Indigné par la lettre-testament mettant en cause son collègue du SDLP (Frédéric Auréal), « le préfet Éric Morvan, a écrit au Point le 18 avril pour exprimer le « dégoût » que lui inspire la mise en cause d’un « haut fonctionnaire qui a toute [sa] confiance ».
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