C’est un bel article paru dans Valeurs Actuelles sous la plume de Brighelli… Beau et long.
Bref, la nouvelle bataille des Anciens et des modernes… Les uns accusés d’être passéistes et élitistes ( voire moisis et rances ), les autres accusés d’être utilitaristes et de faire disparaître notre patrimoine et même notre intelligence. Cf la fameuse Fabrique du Crétin du même Brighelli.
Charvet use d’arguments fort intéressants, avec des chiffres, des statistiques favorables à l’enseignement du latin et du grec…
On sera dubitatifs néanmoins quand il fait le parallèle entre les pays méditerranéens de l’Antiquité, véritable creuset de multiculturalisme et de culture et ceux d’à présent, gangrénés par l’islam et la langue arabe, qui empêchent tout échange, toute culture….
Quant à son idée d’une Maison Numérique des Humanités… je doute qu’elle soit très efficace et que ce soit une priorité, mais acceptons-en l’augure.
Et qu’il puisse faire confiance à Macron et Blanquer au sujet de l’enseignement du latin et du grec est assez sidérant.
Voici quelques extraits fort intéressants de l’interview menée par JP Brighelli.
Pascal Charvet, inspecteur général de Lettres classiques honoraire, inlassable pourfendeur de la réforme du collège, qui visait à éliminer les Langues et Cultures de l’Antiquité (LCA) en les dissolvant dans des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI), vient de remettre à Jean-Michel Blanquer un rapport très circonstancié plaidant pour une réinsertion dans le cursus scolaire de notre héritage gréco-latin. Une posture passéiste, jugent les pédagogues modernistes qui ont inspiré à Mme Vallaud-Belkacem des réformes que PISA et PIRLS nous envient. Un réflexe « élitiste », disent-ils, vis-à-vis d’un enseignement « à dimension ségrégative ». Il est remarquable que la notion d’« élite » soit désormais un gros mot, de la même façon que les bons élèves sont stigmatisés comme « intellos ».
Pascal Charvet, avec l’aide de David Bauduin, Inspecteur d’Académie, au terme d’une longue enquête (jamais assez extensive, disent les mêmes sycophantes pédagogues — deux jolis mots d’origine grecque), conclut à la nécessité d’encourager la renaissance des études classiques. Au nom de la culture, de nos racines (ça, c’est le regard sur le passé), mais surtout — et c’est plus paradoxal, quoi qu’évident — au nom du futur et du dialogue européen.
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Interview de Pascal Charvet par JP Brighelli, extraits
JP Brighelli. Étudier le latin et le grec, est-ce de l’élitisme ?
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Pascal Charvet. Cette réputation d’élitisme que l’on attache à des disciplines qui semblent, de manière erronée, plus exigeantes que d’autres, comme les mathématiques, l’allemand, le chinois, le latin ou le grec, est un stéréotype aussi dangereux à sa manière que celui qui dans le champ de l’orientation détourne les filles des études scientifiques. Il faut tordre le cou à ce préjugé archaïque, et comprendre que ceux qui le répandent sont en retard d’une génération.
Aujourd’hui les chiffres sont éloquents : l’analyse des Catégories Socio-Professionnelles de l’ensemble des élèves de l’école publique étudiant le latin en collège font apparaître la répartition suivante : 34,4 % d’élèves issus de CSP favorisées A (A : cadres, professions intellectuelles supérieures, chefs d’entreprise, professeurs des écoles, etc.). Le reste, 66,6 %, est constitué de 24,8 % d’élèves issus de CSP moyennes (agriculteurs, artisans, employés, commerçants artisans, etc.), 26,4 % d’élèves issus de CSP défavorisées (ouvriers, inactifs, chômeurs, etc.) et 14,4 % d’élèves issus de CSP favorisées B (professions intermédiaires, infirmiers, etc.). A titre de simple comparaison, pour le chinois, les élèves issus de la CSP favorisée (A) y sont 40,9 % contre 34,4 % pour le latin.
Si le choix du latin ou du grec est effectivement assez fréquent dans les milieux favorisés, cela n’est pas dû au fait que ces parents souhaiteraient que leurs enfants soient dans la bonne classe, car cela fait longtemps que les latinistes au collège sont répartis dans des classes différentes. Cette orientation que privilégient les milieux favorisés reflète certes un avantage social, mais dans un tout autre sens que celui que pointent certains commentateurs, puisque ces parents connaissent mieux les conditions et les vecteurs de la réussite. Ce sont bien les codes culturels qui doivent être partagés pleinement entre tous les parents dans le champ de l’orientation, par une information transparente et précise, et non les disciplines exigeantes qui doivent être mises en cause.
Les parents des milieux défavorisés doivent, eux, braver ces préjugés qui finissent par générer chez certains d’entre eux une forme d’autocensure avec le sentiment que ce n’est pas pour eux. Ces préjugés produisent ainsi insidieusement une double exclusion sociale et intellectuelle. Et pourtant les chiffres sont éloquents, et la corrélation effective entre apprentissage du latin et réussite scolaire est flagrante: au baccalauréat général et technologique, ces élèves issus de parents de la catégorie socio professionnelle défavorisée, lorsqu’ils ne sont pas latinistes, obtiennent leur baccalauréat avec un taux de réussite de 38 %, contre 61 % quand ils sont latinistes, soit 23 points d’écart.
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avec David Bauduin nous avons proposé de généraliser le plus possible l’enseignement du latin et du grec en REP et REP+, à l’inverse de ce qui avait été fait les années précédentes. Le développement des Humanités au cœur des Réseaux d’Education Prioritaire est en effet un facteur d’intégration, de brassage social et de réussite, à l’instar des classes bi-langues, car la présence d’options de ce type dans des zones défavorisées incite les parents de la classe moyenne à y laisser leurs enfants.
Le regain d’intérêt cette année pour l’enseignement du latin et du grec (+ 22.879 élèves à la rentrée 2017) témoigne que dès que l’on sait que cet enseignement est appelé à retrouver son plein statut, les familles le plébiscitent, car il est rassurant et s’offre comme un gage de réussite.
JP Brighelli.
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Comment devient-on meilleur en français (ce que vous prouvez par l’indice de réussite aux examens du Secondaire) en faisant du latin ou du grec ?
Pascal Charvet. Il n’est pas question de faire de tous les élèves des spécialistes chevronnés de latin ou de grec (même si au fond j’en serais ravi), mais de faire de l’étude des Langues et Cultures de l’Antiquité un instrument efficace, pour que les élèves comprennent et approfondissent leur relation à la langue, au savoir et au monde. Concrètement, à un moment où l’enseignement de la langue française, de son lexique comme de sa syntaxe, connaît les difficultés que l’on sait, les classes de latin et de grec demeurent aujourd’hui des lieux privilégiés où peut encore s’enseigner la grammaire de manière analytique et maîtrisée.
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Ajoutons que face à la grave crise que connaît l’enseignement du français, et à ces élèves qui comprennent mal ce qu’ils lisent, comme nous le montre l’enquête PIRLS 2017 (l’enquête du Programme International de Recherche en Lecture Scolaire en CM1, portant sur plus de 319.000 élèves en 2016, montre que les compétences en lecture et compréhension des élèves français en classe de CM1 sont nettement en baisse par rapport au début des années 2000. La France y est classée avant-dernière en Europe) les classes de latin et de grec peuvent offrir aujourd’hui à ces élèves une formation humaniste de base efficace.
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Les Humanités classiques sont en mesure de combler ces manques et de donner à tous les élèves les codes indispensables pour une intégration réussie.
JP Brighelli. Vous notez, non sans malice, que nous partageons avec les immigrés d’Afrique du Nord une culture latine que l’on a soigneusement voulu occulter sous prétexte d’immersion dans les « cultures d’origine » — alors que la latinité est l’une de leurs origines. Après tout, Saint Augustin était berbère, et le Maghreb était le principal grenier à blé de l’Empire romain. Comment la résurrection des Langues et Cultures de l’Antiquité, loin d’enfermer les élèves dans un ghetto élitiste, peut-elle œuvrer à une Europe plus forte (en incluant les nations de Méditerranée) et plus inclusive ? Et faire comprendre, en même temps, que la « diversité » est moins une addition de « communautés » antagonistes qu’un rassemblement autour de cultures complémentaires, dont le latin fut longtemps le noyau principal ?
Pascal Charvet. Oui, cette incapacité chez plus d’un à prendre en compte les données de l’histoire est surprenante. L’étude du latin et du grec et de leurs littératures, ainsi que celle des œuvres d’art et des nombreux témoignages de la vie quotidienne issus des temps anciens, ont pourtant des vertus pédagogiques déterminantes afin de dessiner aux yeux des élèves un univers méditerranéen qui dépasse les discours colonialistes et post-colonialistes : les uns et les autres font l’impasse sur ce qu’a été la vie au sein de la Méditerranée antique : il n’y a, de fait, jamais vraiment eu de choc de civilisation, mais plutôt des métissages et des relations assez fluides. Les historiens de l’Antiquité montrent ainsi combien le métissage culturel y a été puissant et combien cette vision de cités grecques et d’un état romain réduisant toute altérité méditerranéenne à sa propre identité est excessive et trompeuse. En Phénicie par exemple, une culture originale cristallisa les influences de la Grèce, de l’Anatolie, de la Mésopotamie, de l’Arabie et de l’Egypte. Le poète Méléagre (IIe siècle.) témoigne ainsi de ce cosmopolitisme lucide : dans son auto-épitaphe anticipée (A.P. VII, 419), il dit avec humour sa triple culture et salue le passant en trois langues : « Ô étranger ! La divine Tyr et la terre sacrée de Gadara ont fait de Méléagre un homme, et l’aimable Cos a nourri sa vieillesse. Maintenant si tu es Syrien, je te dis Salam ! Si tu es Phénicien, Audonis ! Et si tu es Grec, Khairé ! – mais toi, réponds de même. »
La Méditerranée est bien cet horizon commun, non seulement pour les langues anciennes et leur apprentissage (le latin et le grec principalement, sans oublier l’araméen, le syriaque, le punique et le libyco-berbère), mais pour toutes les langues de l’Europe issues du latin, enrichies par le lexique grec, et également pour toutes les langues issues des temps anciens et qui sont encore vivantes aujourd’hui, telle la langue berbère au Maghreb. L’apprentissage du latin et du grec concerne tous les élèves qui ont un lien avec la Méditerranée, originaires de la rive méridionale ou orientale, et présents dans l’école de la République.
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J’aimerais ajouter que nous ne pouvons pas non plus concevoir une politique éducative sans prendre en compte ce qui se passe dans le reste du monde. Les autres cultures, que ce soit celles de la Chine, de l’Afrique ou de l’Inde, ou celle du monde musulman, entretiennent aujourd’hui un rapport actif et nouveau avec leur passé antique. Ainsi la Chine, en janvier 2017, a définitivement refondé les Humanités chinoises qui intègrent la maîtrise de la langue classique, la littérature, ainsi que la philosophie avec les grands textes confucéens, taoïstes et bouddhistes. Cet enseignement y est devenu obligatoire et doté des moyens nécessaires. Quelles que soient les arrières pensées politiques du gouvernement chinois, nous devons méditer la leçon et être à même de relever ce qui est un vrai défi culturel. Car ainsi que l’a montré Claude Lévi-Strauss, le relativisme devient un danger mortel, non pas lorsqu’une culture s’ouvre aux autres modèles culturels, mais lorsqu’elle n’a plus la connaissance minimale d’elle-même, celle qui lui permet de reconnaître et d’accueillir l’altérité comme telle. Et cette connaissance de soi en France et en Europe passe nécessairement par l’assimilation culturelle des Humanités gréco-latines qui sont un objectif essentiel pour l’éducation scolaire.
JP Brighelli. Pour le moment, les Langues anciennes au collège ne bénéficient pas d’un enseignement spécifique inscrit dans les textes, mais d’une quotité horaire placée dans une « dotation complémentaire », ce qui permet à des chefs d’établissement qui manquent d’ambition pour leurs élèves de distribuer ces heures en fonction des groupes de pression de l’établissement. Comme le suggère Barbara Lefebvre au FigaroVox, « il faut remettre ces horaires de LCA dans la dotation fixe et veiller à ce que la fameuse autonomie des établissements ne serve pas de prétexte pour tuer dans l’œuf tout effort de relance des LCA. » Pensez-vous que le ministre vous entendra sur ce point ?
Pascal Charvet. D’abord, à la décharge des chefs d’établissement je tiens à dire que la plupart d’entre eux ont veillé à maintenir ces enseignements et on peut les en remercier chaleureusement. Néanmoins la difficulté vient du fait que dans la dotation complémentaire existe une latitude pour ne pas attribuer le nombre d’heures nécessaires pour l’enseignement du latin, par exemple, à savoir une heure en 5ème, trois heures en 4ème et trois heures en 3ème (1h/3h/3h). On voit encore un nombre trop important de cas où les horaires sont ramenés à 1h/2h/2h, alors que les effectifs d’élèves sont importants. Il n’est pas acceptable que les professeurs qui ont des effectifs consistants soient soumis à un tel yo-yo horaire et disciplinaire chaque année. Il y va de la légitimité de ces collègues, de la considération qu’on leur doit et de leur travail aussi. Mettons-nous à la place d’un professeur dévoué et talentueux, qui travaille efficacement avec ses élèves et qui voit ses horaires varier abruptement : l’on peut comprendre sa colère et sa tristesse. Cette disposition est un héritage de la réforme du collège du gouvernement précédent ; elle est liée au fait que les options de latin et de grec, après avoir été initialement supprimées ont été transformées soudainement, devant le tollé général, en options de complément. Pour ma part, la règle devrait être simple : en cas d’effectifs fragiles, on applique effectivement une diminution d’horaires légitime soit 1h/2h/2h mais dès que les effectifs dépassent dix élèves on devrait attribuer les horaires pleins soit 1h/3h/3h.
Le Président de la République a fait de la valorisation des langues et cultures de l’Antiquité un engagement fort de sa campagne, et le Ministre de l’Education nationale est aussi un humaniste convaincu qui connaît et maîtrise parfaitement cette situation. Oui, nous avons eu l’engagement du cabinet du Ministre que les cas où des professeurs auraient perdu leurs horaires pleins, alors que leurs effectifs étaient solides, seraient réglés avant la fin de l‘année scolaire, par le rétablissement des horaires pleins.
JP Brighelli. Enfin, le CAPES de Lettres Classiques, qui vous fut cher, a disparu. Les LCA ne sont plus qu’une option d’un CAPES de Lettres indifférencié. Pourquoi ne pas remettre le latin et le grec au programme, en réduisant par exemple la part dans les concours de ces épreuves de didactique dont la nécessité n’apparaît guère aux candidats ?
Pascal Charvet. Nous avons déjà souhaité que le CAPES de Lettres Classiques retrouve un peu de son identité spécifique, ne serait ce que dans la symbolique de son nom. Nous proposons également une modification de l’épreuve écrite qui était devenue beaucoup trop complexe avec la multiplicité de ses attendus. Nous ne pouvons cependant toucher à l’équilibre général du CAPES qui fait du CAPES de Lettres Classiques, à juste titre, aussi un CAPES de Lettres. C’est pourquoi la didactique en fait pleinement partie. Mais à mes yeux la vraie question est ce que l’on met derrière cette didactique et les compétences qui sont attendues. C’est là que la formation initiale effectuée par les Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education doit être réinterrogée. Car elle est fort inégale selon les territoires.
[…]
Lire l’ensemble de l’article ici :
https://www.valeursactuelles.com/societe/latin-et-grec-langues-vivantes-93672
Tiens, qui est donc ce José Bobo qui, dans les commentaires sous l’article de Valeurs actuelles, affirme incessamment que le latin et le grec ne serviraient à rien, que ce serait une perte de temps… ?
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Ces pauvres étrangers qui ont déjà beaucoup de mal à parler français, comment pourrait-on aussi leur apprendre le latin et le grec ?
Faut pas rêver….
frejusien
ce ne sont pas les étrangers qui parlent mal le français ; tous les jours sur le 6 il y a des pétasses qui émaillent leur discours de mot anglais mais qui veulent péter plus haut qu’elle n’ont le derrière et qui se piègent toutes seules en voulant utiliser un mot normal pour vous et moi mais inconnu d’ elles.
ce jour , nous avons eu droit à longitude pour longiligne.
rien de plus drôle que ceux qui essaient de singer la culture sans l’avoir mais cela montre que c’est encore un marqueur social
On a eu « bravitude » aussi.
Pour en revenir à nos moutons, comment voulez vous aborder le latin au collège quand tout ce que vous avez appris en grammaire se résume aux notions de « sujet » et de « prédicat » ?
Remarque également valable pour des langues vivantes un peu plus compliquées que l’anglais (par exemple l’allemand).