Il y a 30 ans mourait un grand résistant, l’immense poète René Char

‌Il y a 30 ans exactement, le 19 février 1988, René Char mourait.

René Char était un immense poète, et aussi un grand Résistant.

Pendant l’Occupation, sous le nom de « Capitaine Alexandre », il a participé, les armes à la main, à la Résistance, « école de douleur et d’espérance ».

De 1940 à 1944, il avait écrit, sur un cahier,  » Feuillets d’ Hypnos « , une description du présent d’un combattant, souvent des textes courts ou des aphorismes.

« Je n’écrirai pas de poème d’acquiescement
L’acquiescement éclaire le visage. Le refus lui donne la beauté » .

Il faut lire  » Feuillets d’ Hypnos « .

Ecoutez René Char en lire quelques extraits :

 

Lisez cet extrait :

 » Le boulanger n’avait pas encore dégrafé les rideaux de fer de sa boutique que déjà le village était assiégé, bâillonné, hypnotisé, mis dans l’impossibilité de bouger. Deux compagnies de S.S. et un détachement de miliciens le tenaient sous la gueule de leurs mitrailleuses et de leurs mortiers. Alors commença l’épreuve.

Les habitants furent jetés hors des maisons et sommés de se rassembler sur la place centrale. Les clés sur les portes. Un vieux, dur d’oreille, qui ne tenait pas compte assez vite de l’ordre, vit les quatre murs et le toit de sa grange voler en morceaux sous l’effet d’une bombe. Depuis quatre heures j’étais éveillé. Marcelle était venue à mon volet me chuchoter l’alerte. J’avais reconnu immédiatement l’inutilité d’essayer de franchir le cordon de surveillance et de gagner la campagne.
Je changeai rapidement de logis. La maison inhabitée où je me réfugiai autorisait, à toute extrémité, une résistance armée efficace. Je pouvais suivre de la fenêtre, derrière les rideaux jaunis, les allées et venues nerveuses des occupants. Pas un des miens n’était présent au village. Cette pensée me rassura. À quelques kilomètres de là, ils suivraient mes consignes et resteraient tapis. Des coups me parvenaient, ponctués d’injures. Les S.S. avaient surpris un jeune maçon qui revenait de relever des collets. Sa frayeur le désigna à leurs tortures. Une voix se penchait hurlante sur le corps tuméfié : « Où est-il ? Conduis-nous », suivie de silence. Et coups de pied et coups de crosse de pleuvoir. Une rage insensée s’empara de moi, chassa mon angoisse. Mes mains communiquaient à mon arme leur sueur crispée, exaltaient sa puissance contenue. Je calculais que le malheureux se tairait encore cinq minutes, puis, fatalement, il parlerait. J’eus honte de souhaiter sa mort avant cette échéance. Alors apparut jaillissant de chaque rue la marée des femmes, des enfants, des vieillards, se rendant au lieu de rassemblement, suivant un plan concerté. Ils se hâtaient sans hâte, ruisselant littéralement sur les S.S., les paralysant « en toute bonne foi ». Le maçon fut laissé pour mort. Furieuse, la patrouille se fraya un chemin à travers la foule et porta ses pas plus loin. Avec une prudence infinie, maintenant des yeux anxieux et bons regardaient dans ma direction, passaient comme un jet de lampe sur ma fenêtre. Je me découvris à moitié et un sourire se détacha de ma pâleur. Je tenais à ces êtres par mille fils confiants dont pas un ne devait se rompre.

J’ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là, bien au-delà du sacrifice. « 

Lisez  » Feuillets d’Hypnos  » .

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5 Commentaires

  1. ça me rappelle aussi les récits que mon père nous racontait sur la Résistance dans l’Ain. Que de tortures de la part des allemands pour faire avouer des innocents qui ne savaient rien, que de massacres, des maisons brûlées dont celle de la grand’mère.Je pense qu’il faut avoir vécu la guerre et l’occupation pour comprendre. C’était leur devoir, aux jeunes, de résister Aucun n’est mort pour rien.

  2. Oui, très belle évocation, mais rien à voir avec la situation présente….
    Nous côtoyons aujourd’hui, en France, des gens qui de se déclarent être nos ennemis, du fait de croyances obscures et imbéciles.
    Du fait aussi de la propagande qui leur a été dispensée, soit dans leur pays d’origine—je pense en particulier à l’Algérie dont l’hymne national désigne encore nommément l’ennemi : la France#— soit à l’école en France même !!!!….
    Ils ne portent pas d’uniformes distinctifs, ils se comptent par millions et ils sont français !
    Oui…rien à voir !…
    Et nos gouvernants successifs ont tout mis en œuvre contre les intérêts des français et leur bien commun depuis une cinquantaine d’années !…
    Encouragement aux délocalisations par l’Etat lui-même !…J’ai encore en mémoire des affiches de pub dans le métro du style « soyez malin : investissez donc en Pologne » dont l’instigateur était la CCI de Paris !!!!!…..
    A côté de cela, mise en œuvre d’une politique démente d’importation massive d’allocataires par millions !!!!…..
    Et le comble, c’est l’envoi de nos petits gars, par exemple au sahel, se mêler de rétablir la paix entre tribus de touaregs et de maliens dans des conflits ancestraux; tandis que les protagonistes en question n’ont, pour la plupart, qu’un seul désir : emplir des avions charter à destination de Montreuil (Bamako sur Seine …)
    Y’a bon vos impôts et vos assoces !..Tiens, demande à théo …
    Sans remise en cause par les français de toute cette politique de M…. ce sera la fin de la France très rapidement ….

    # il est d’ailleurs inadmissible que nos prétendus « Chefs d’Etat » en visite dans ce pays se tiennent au garde à vous pendant l’exécution de cet hymne qui est une déclaration de guerre à notre pays !

  3. René Char : « Agir en primitif et prévoir en stratège » – Anders Behring Breivik.

  4. Avez-vous visité Oradour-sur-Glane ? Cet extrait me fait penser à cette tragédie (répétée 100 fois en Ukraine…)

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