Pas de plébiscite pour Erdogan mais une courte victoire contestée

Une courte victoire, avec 51,3% (résultat provisoire, au moment où j’écris, des protestations pour manipulations et intimidations, notamment dans les régions majoritairement peuplées de Kurdes, Erdogan n’a pas le plébiscite dont il rêvait, mais il a la victoire…

Et il ne va pas se gêner pour continuer à faire pression sur l’UE pour que les Turcs entrent en Europe comme chez eux… Le chantage aux migrants étant très efficace avec nos péteux.

Référendum en Turquie : le camp Erdogan proclame la victoire du oui, l’opposition dénonce des manipulations

La réforme constitutionnelle approuvée par référendum dimanche visait à élargir les compétences du chef de l’Etat. Recep Tayyip Erdogan, le leader charismatique du Parti de la justice et du développement (AKP) règne déjà sans partage sur le pays – même si ses compétences de chef de l’Etat étaient, selon la Constitution en vigueur, jusqu’ici très limitées. Les dix-huit nouveaux articles adoptés à une courte majorité par référendum lui donnent l’essentiel des pouvoirs exécutifs et assurent sa totale mainmise sur le législatif comme sur le judiciaire. Tout en prétendant s’inspirer des modèles de république présidentielle à l’américaine ou semi-présidentiellle, à la française, elle instaure un régime hyperprésidentiel, sans équivalent dans aucun pays démocratique, selon le décryptage de notre envoyé spécial à Ankara, Marc Semo

  • La nouvelle Loi fondamentale entrera en vigueur au plus tard d’ici à 2019. Cependant, deux des dix-huit articles soumis aux électeurs seront immédiatement mis en œuvre : celui qui permet au chef de l’Etat d’être le leader de son parti et celui qui lui permet de prendre en main le Haut Conseil des juges et des procureurs, chargé de nommer et de destituer le personnel judiciaire. « Cela montre les priorités d’Erdogan pour verrouiller son pouvoir mais aussi ses peurs, même s’il contrôle déjà le parti et la justice », relève Baskin Oran, professeur émérite de science politique à l’université d’Ankara, dénonçant un retour en arrière de plusieurs décennies pour la Turquie.
  • Le chef de l’Etat aura entre ses mains tout le pouvoir exécutif, nommant lui-même les ministres et un ou plusieurs vice-présidents. Le poste de premier ministre, actuellement occupé par le pâle Binali Yildirim, disparaît. Le président aura aussi la haute main sur le pouvoir judiciaire. Il nomme douze des quinze membres de la Cour constitutionnelle et six des treize membres du Haut Conseil des juges et procureurs. Le Parlement choisira les sept autres. Seul point positif de la réforme : le chef de l’Etat devient pénalement responsable, et s’il est accusé ou soupçonné d’avoir commis un délit, le Parlement pourra exiger une enquête. Mais à condition de recueillir une majorité des trois cinquièmes.
  • Les députés seront réduits à jouer les utilités avec des pouvoirs très limités. Dans la logique de la réforme, les députés, dont le nombre passera de 550 à 600, seront dans leur majorité de la même couleur politique que le président. Pour limiter le risque de cohabitation, le président, en décidant une éventuelle dissolution des chambres, remet son propre mandat en jeu. Les élections législatives et présidentielles seront donc simultanées et se dérouleront tous les cinq ans – contre quatre actuellement. Le chef de l’Etat pourra gouverner par décret dans les domaines relevant de ses compétences exécutives élargies. Certes, le Parlement a toujours le pouvoir d’élaborer, d’amender ou d’abroger les lois, et, théoriquement, le président ne peut promulguer de décret sur des sujets déjà clairement régulés par la loi. Mais il dispose d’un droit de veto.
  • Le président aura la haute main sur l’état d’urgence, qu’il pourra proclamer en cas de « soulèvement contre la patrie » ou d’« actions violentes qui mettent la nation […] en danger de se diviser ». Cette décision sera de sa seule compétence, même s’il doit ensuite soumettre la question au Parlement, qui pourra alors décider de raccourcir sa durée, de le prolonger ou d’y mettre fin.
  • Dans les faits, la réforme instaure, au moins pour M. Erdogan, une quasi-présidence à vie. Elle fixe la date des prochaines élections présidentielle et législatives au 3 novembre 2019. Le président sera élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Si, comme il est probable, les compteurs seront remis à zéro, Recep Tayyip Erdogan, 63 ans, pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2029 puisque ses mandats antérieurs ne seraient pas pris en compte.

Les autorités turques clament que le but de la réforme est de garantir un fonctionnement plus rapide et efficace de l’exécutif ainsi qu’une meilleure stabilité en évitant les gouvernements de coalition. Les juristes et politologues turcs, à l’exception de ceux liés à l’AKP, sont unanimes à dénoncer les dangers du régime ainsi instauré. Il est en de même parmi les Européens et outre-Atlantique. « On a avec ce texte un système unipersonnel, sans beaucoup d’Etat de droit et de contre-pouvoirs, autoritaire et très clairement en contradiction avec les critères politiques européens », souligne Marc Pierini, ancien ambassadeur de l’Union européenne à Ankara et chercheur au centre de réflexion Carnegie Europe. Analyste au Center For American Progress, Alan Makovsky n’hésite pas à s’inquiéter dans un long rapport « d’une présidence exécutive qui concentre des pouvoirs sans précédents entre les mains d’un seul homme ».

Sibel Yigiltalp, parlementaire HDP de Diyarbakir :

Nous n’acceptons pas ce résultat et il ne peut pas être considéré par le camp du oui comme une victoire. Ce référendum n’a rien de démocratique. Il est clair que la société turque est divisée en deux camps de force équivalente. Elle ne peut pas être gouvernée. Dans les régions kurdes, nous avons voté à l’ombre des armes. Nous avons la conviction que de nombreuses fraudes ont été commises et nous allons contester ce résultat même si nous savons qu’il n’y aura aucun changement pour les Kurdes.

 

Notre envoyé spécial à Ankara, Marc Semo, analyse les résultats de cette consultation :
 
 
C’est une victoire étriquée, lourde d’inconnues et jugée par beaucoup déjà illégitime que celle remportée par Recep Tayyip Erdogan dimanche 16 avril avec le référendum instaurant une hyperprésidence où le chef de l’Etat disposerait de pouvoirs élargis, contrôlant de fait l’exécutif mais aussi très largement le législatif et le judiciaire.
 
Le oui l’a emporté avec 51,3 % selon des résultats non encore définitifs, loin du plébiscite escompté il y a encore quelques mois par celui que ses partisans appellent « reis » (« le chef ») et qui se voyait encore renforcé après l’échec du coup d’Etat militaire de juillet 2016. Le verdict des urnes est sans appel. Certes, il a légalement la majorité qui lui permet de mettre en œuvre cette réforme, mais en a-t-il la légitimité ?
 
« Une réforme d’une telle ampleur qui bouleverse les fondamentaux de la république ne peut s’appuyer sur une si courte majorité », relevait sur les ondes de CNN Turk Murat Yetkin, directeur du quotidien Hurriyet Daily News. En outre, les principales villes du pays – à commencer par Istanbul, dont Recep Tayyip Erdogan fut le maire, et Ankara – ont donné une courte victoire au non. C’est un signal fort, car ces grandes villes votent majoritairement depuis trois décennies en majorité pour les partis islamistes et depuis 2002 pour l’AKP. Un vote qui est celui des banlieues mais aussi des classes moyennes. Ce retournement est un véritable camouflet pour l’homme fort de la Turquie, qui disposait déjà d’un pouvoir sans équivalent depuis Atatürk et qui voulait transformer en pouvoir de jure son pouvoir.

Bonjour,Si le HDP et le CHP maintiennent leurs revendications de recompte des voix, cela pourrait-il être fait dès ce soir? Que sait-on sur ces fameux bulletins non tamponnés?Merci d’avance.

-Julien

 

Bonsoir, un nouveau comptage des voix n’aura pas lieu ce soir. Mais les plaintes déposées par le CHP (kémalistes, partisans de la laïcité) et le HDP (prokurde) vont jeter une ombre sur la victoire du oui.

A propos des bulletins non tamponnés, la Haute Commission électorale a décidé de comptabiliser comme valides les enveloppes non tamponnées par les scrutateurs des bureaux de vote au prétexte que des électeurs se seraient plaints de ce que leurs enveloppes n’avaient pas été tamponnées.

 

Avec ce score (51,30%, à confirmer), Erdoğan peut difficilement invoquer un soutien populaire massif, tout comme il peut difficilement invoquer un éventuel complot. Ce résultat n’est-il pas le pire scénario qu’il pouvait imaginer ?

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/international/live/2017/04/16/referendum-en-turquie-suivez-en-direct-les-resultats-du-vote_5112133_3210.html#jUzDoCuWPbDi0OIV.99

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10 Commentaires

  1. 1) Ce n’est pas ceux qui votent qui décident, mais ceux qui comptent les votes.
    2) Ceux qui comptent les votes ajoutent-ils un vote oui à chaque vote non?
    3) Erdogan se comporte déjà comme un dictateur, et Hitler est son modèle.
    4) Des milliers d’imams ont ordonné aux fidèles de voter oui au calife Erdogan.
    5) J’en conclu qu’Erdogan deviendra grand calife quoi qu’il advienne.
    6) Vivement que la Turquie soit expulsée de l’OTAN et de l’Allemagne…
    7) Ensuite, une MOAB sur son gros château personnel?

  2. des pays musulmans le plus proche de l EUROPE….
    la turquie d adolf erdogan est sans conteste et de loin,le plus dangereux…
    avec a sa tete un fanatique qui se prépare a une guerre religieuse contre notre EUROPE….
    PAS BESOIN DE FAIRE L ENA POUR COMPRENDRE….

  3. Après l’Iran progressiste du Shah ayant basculé, après sa mort, dans l’obscurantisme islamiste, c’est au tour de la République d’Ataturk de tomber dans le même travers. Avec risque éventuel de guerre civile. Après Fidel Castro, de sinistre mémoire, à Cuba, nous voilà donc avec un nouveau lider maximo… Seul un soutien indéfectible à Marine Le Pen, lui assurant la victoire, nous permettra de limiter la casse en sortant de l’Otan.

  4. adolph hitler en pire
    les turcs ont déportés des arméniens faut pas l »oublier
    erdogan fera pareil
    il faudra le tuer avant qu’il nous tue

  5. Bonjour,

    Avec le type de pouvoir qu’a instauré Erdogan, je n’avais guère de doute sur l’issue du scrutin.

    J’imagine la tête des eurocrates qui n’ont que le mot « droit de l’Homme » à la bouche.

    Justement profitons-en !

    Aux citoyens des pays européens de mettre en avant l’argument maintenant facile de la dictature turque pour expulser la Turquie de toutes les organisations où elle s’est infiltrée de l’Eurovision à la coupe d’Europe de foot en passant par l’OTAN (dont nous ferions bien nous même de partir d’ailleurs).

    • Bonjour Antiislam,
      je ne suis pas sûr que la CEDH, dont la Turquie est membre, exige la séparation des pouvoirs pour caractériser une « société démocratique », exigence qui fait partie de la Convention, qui s’impose à ses membres.
      L’expression n’apparaît pas, notamment, dans une longue étude qui est consacrée à la notion :
      http://www.rtdh.eu/pdf/1998465.pdf
      On voit bien que dans beaucoup de systèmes, la séparation des pouvoirs ne garantit pas, sur le fond, un bon gouvernement.
      Beaucoup de parlements sont des « chambres d’enregistrement » qui acquiescent aux propositions gouvernementales sans broncher.
      Aux Etats-Unis, Trump est ennuyé par les autres pouvoirs politiques, alors que par bien des aspects, sa politique protectionniste vise à garantir l’effectivité des droits fondamentaux des citoyens américains.
      On peut avoir une concentration des pouvoirs associée à un respect des droits de l’homme. Il suffit d’avoir un « tyran éclairé », philanthrope, bienveillant.
      La séparation des pouvoirs, je crois, fut d’abord théorisée par Aristote avant d’être une idée reprise par Montesquieu. Malgré son influence sur les régimes occidentaux contemporains, l’idée ne me semble pas forcément géniale. Le fractionnement des pouvoirs est aussi source d’incohérence, par exemple de conflits de normes entre la prévision législative et l’application judiciaire, voire de violation de la Constitution comme le permet désormais indirectement l’appartenance à l’Union européenne. Avec l’UE, le pouvoir est encore davantage morcelé, et pour quel résultat : catastrophique !
      Bref, si l’Europe institutionnelle avait voulu rompre avec Erdogan, elle aurait eu bien des raisons de le faire autres que celle-ci…

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