Le recul de l’islamisation de l’Asie
Certains pays asiatiques se sont désislamisés ou sont en voie de le faire.
La Birmanie est l’exemple le plus emblématique de la désislamisation de l’Asie. Les bouddhistes, majoritaires (80 %), ne veulent pas de musulmans dans leur pays, lesquels fuient vers la Thaïlande, qui n’en veut pas davantage, pour rejoindre la Malaisie, où l’islam est religion d’Etat.
Une femme, Aung San Suu Kyi, avait vocation à devenir présidente en raison de son combat pour la démocratie en Birmanie. Encensée par les media internationaux depuis des années, longtemps assignée à résidence en raison de son opposition à la junte militaire, elle ne pouvait pas se présenter pour cause de mariage avec un britannique.
Aung San Suu Kyi avait refusé de condamner les violences contre les musulmans, ce qui lui avait valu d’être lâchée par les mêmes media. Démagogie pour conserver l’estime des Birmans ? Peut-être pas, dans la mesure où les Rohinga, la minorité musulmane, se voient reprocher par eux de s’être opposés à l’indépendance du pays en combattant contre eux. Une fois l’indépendance acquise, on comprend mieux pourquoi les Birmans refusent de leur faire une place dans leur nation.
Htin Kyaw, son ami d’enfance et fidèle parmi les fidèles, vient d’être élu président de la Birmanie. Vraisemblablement, c’est, à travers lui, Aung San Suu Kyi, qui ne pouvait se présenter en personne, qui se trouve confortée comme chef politique.
Si l’islam est religion d’Etat en Malaisie, comme je viens de l’indiquer, la Constitution de la Malaisie instaure une subordination de la charia aux principes de la Constitution, même si cette mesure n’est pas encore effective à cause d’un manque de coopération de la part du pouvoir judiciaire dans l’exercice du contrôle de constitutionnalité.
La désislamisation de la Malaisie est donc balbutiante.
La colonisation a permis de modérer l’application de la loi musulmane. La Constitution y fait certes de l’islam la religion officielle de l’État, la Malaisie étant une Fédération, à l’image des Etats-Unis d’Amérique. Cependant, il n’est pas interdit officiellement d’avoir une autre religion. Aujourd’hui, ainsi, 60% de la population y est musulmane, la deuxième religion la plus importante étant le bouddhisme (environ 20% des habitants) puis le christianisme (environ 10%).
Un Malais, musulman, ne peut en effet renoncer à l’islam désormais que si un tribunal islamique lui accorde un certificat d’apostasie. Or, l’apostasie est une infraction pénale dans certains Etats de Malaisie, où elle est punie de mort, si bien qu’il y est impossible d’obtenir un tel acte. Dans les autres, aucune disposition ne permet à un tribunal islamique de délivrer un tel document, ce qui revient au même.
On pourrait penser que cela devrait évoluer en mieux. Néanmoins, avant les années 1980, il était tout à fait possible de changer facilement de religion. La situation a en réalité empiré. Un divorce entre théorie et pratique s’est instauré, de telle sorte que la charia est encore largement appliquée (source : C. Chevallier-Govers, « La Charia et le pluralisme juridique en Malaisie à l’épreuve de l’État de droit »,Revue de droit public 2011/1, 197).
Par ailleurs, le Bangladesh pourrait abandonner l’islam comme religion d’Etat.
La portée de cette décision est difficile à saisir. En soi, elle est purement symbolique. Elle n’implique pas nécessairement une désislamisation du droit. L’exemple malaisien montre en effet, en théorie, que l’islam peut être religion d’Etat sans que le droit soit entièrement islamique. Cependant, en pratique, cette affirmation de principe n’a pas été confirmée. Les colons occidentaux cherchèrent à imposer leur modèle en élaborant la Constitution, mais les dirigeants semblent rétifs à une telle solution. La désislamisation du droit suppose donc sans doute une sorte d’acte collectif d’apostasie, en affirmant la suprématie de la Constitution laïque sur la loi islamique. Les deux ne peuvent sans doute pas cohabiter.
J’avoue cependant, en lisant l’article du Point, trouver la situation étonnante.
Comment apprécier la constitutionnalité d’une religion d’Etat ? C’est un problème assez inédit en droit constitutionnel, au moins du point de vue français, puisque la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, qui était préparée par une sécularisation du droit elle-même initiée par la Révolution française, précède chronologiquement l’instauration du contrôle de constitutionnalité par la Vème République (1958), le contrôle de constitutionnalité n’ayant commencé à trouver des applications dans le monde que dans les années 1920. Vraisemblablement, la Cour suprême du Bangladesh prendra en réalité une décision politique… Il ne faut pas se le cacher…
De même, l’article n’indique rien quant au droit applicable au Bangladesh : j’imagine que c’est la charia si l’islam est religion d’Etat. Alors, l’abandon de l’islam comme religion d’Etat aura-t-il un impact sur le droit applicable ? Ce sont des conséquences que j’aurais aimé voir envisagées dans l’article…
Source http://collisiondegalaxies.over-blog.com/2016/03/le-recul-de-l-islamisation-de-l-asie.html
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Le dessous des cartes sur Arte était consacré samedi au Pakistan, en complément :
http://www.arte.tv/guide/fr/060139-014-A/le-dessous-des-cartes?autoplay=1
« Créé sur des fondements religieux, le Pakistan est un pays complexe. L’émission de ce soir explore sa diversité et ses enjeux, entre risque nucléaire et dissuasion, islam modéré et rigoriste ».
Le dessous des cartes sur Arte était consacré samedi au Pakistan, en complément :
http://www.arte.tv/guide/fr/060139-014-A/le-dessous-des-cartes?autoplay=1
« Créé sur des fondements religieux, le Pakistan est un pays complexe. L’émission de ce soir explore sa diversité et ses enjeux, entre risque nucléaire et dissuasion, islam modéré et rigoriste ».
Arte diffuse aussi d’autres émissions susceptibles d’intéresser les esprits clairvoyants. Outre le dossier sur l’empire ottoman,
1) http://www.arte.tv/guide/fr/064537-000-A/daech-paroles-de-deserteurs?autoplay=1
« Dans une ville du sud-est de la Turquie, située à seulement 60 kilomètres de la Syrie en guerre, un réseau clandestin prend les plus grands risques pour exfiltrer des combattants qui souhaitent quitter le groupe état islamique (EI). Sous couvert d’anonymat, ces déserteurs, des hommes originaires de Syrie ou de Jordanie, ont accepté pour la première fois de raconter leur vie sous le joug de Daech, ainsi que les raisons qui les ont poussés à le rejoindre puis à le fuir. Ils ont pour la plupart vécu à Raqqa, la capitale politique et militaire du groupe terroriste. Des témoignages exceptionnels, car en général les déserteurs de Daech se cachent et ne parlent pas – s’ils ne sont pas rattrapés par l’EI puis exécutés.
Un remède au djihad
Le réseau d’exfiltration, constitué de combattants historiques de l’Armée syrienne libre (opposée à Bachar el-Assad), a accepté de dévoiler quelques-unes de ses méthodes de travail. « Daech a essayé de nous piéger avec de faux déserteurs », explique l’un des membres de cette cellule spécialisée. Pour éviter toute tentative de manipulation, l’exfiltration ne se produit qu’après une longue enquête. En aidant les déserteurs à fuir et en recueillant leurs témoignages, les membres du réseau veulent dénoncer les mensonges de Daech et son culte de la violence. Ils pensent ainsi décourager les futurs candidats au djihad ».
2) http://www.arte.tv/guide/fr/053331-000-A/hannah-arendt-du-devoir-de-la-desobeissance-civile?autoplay=1
« Mon métier, c’est la théorie politique, je veux comprendre », disait Hannah Arendt. Née en 1906 en Allemagne, la brillante étudiante juive de Martin Heidegger, avec lequel elle entretient une relation intellectuelle passionnée, assiste à la montée du nazisme et s’engage, avant de choisir l’exil en 1933. Une expérience fondatrice qui imprégnera sa pensée et l’amènera à analyser l’essence des totalitarismes, avec une profonde acuité et un anticonformisme revigorant. « Réfléchir, cela signifie penser toujours de manière critique », aimait à rappeler l’auteure des Origines du totalitarisme. En 1963, son livre Eichmann à Jérusalem – fonctionnaire zélé qu’elle voit, après avoir suivi son procès, comme un « bouffon », incarnation de la « banalité du mal » – suscite la polémique.
Puissante modernité
Ardente avocate de la pluralité, de la dignité et de la liberté, Hannah Arendt a inspiré nombre de mouvements de désobéissance civile, attitude qu’elle estimait être un devoir, face à la violence d’État. C’est au coeur de son influence capitale que plonge ce documentaire, qui revisite les récentes révolutions et résistances contemporaines, à la lumière de sa pensée et de son héritage. De la Palestine à l’Égypte en passant par l’Ukraine et Hong Kong, la réalisatrice est allée à la rencontre de ceux, jeunes pour la plupart, qui font au quotidien acte de résistance, relisant son oeuvre pour y puiser une force lucide.