Michel Tournier n’est plus. Il avait 91 ans, il est mort paisiblement, entouré par les siens. C’est bien.
Mais je ne peux le laisser partir sans dire l’importance de Vendredi ou les Limbes du Pacifique. J’ai découvert et lu ce livre quand j’avais 25 ans, cela a été un éblouissement.
Loin du mythe de Robinson, Tournier avait réussi à dire la grandeur, les faiblesses, les tentations, les pulsions, les besoins indicibles de l’être humain naufragé sur une île déserte.
J’ai lu ce livre il y a 36 ans et n’ai jamais voulu le relire, de peur d’abîmer le souvenir d’un éblouissement, la rencontre de la beauté et du savoir, l’ivresse du corps et de l’âme mêlés en un seul être, le héros, en un seul livre.
Régulièrement je pense à cette rencontre qui a joué un rôle non négligeable dans la constitution de mon être, de ma pensée, qui m’a aidée à comprendre le monde et les êtres, mes besoins comme ceux de mes proches et à savoir que le maître mot en ce bas monde était « liberté ». Oui se libérer de toutes les entraves, extérieures ou intérieures, se construire par choix et non par habitude ou par suivisme. Etre, enfin, et être soi.
C’est à Michel Tournier que je le dois. J’ai dévoré ensuite le reste de son oeuvre, avec gourmandise, avec bonheur. Mais je n’ai jamais ressenti cette impression d’avoir rencontré le sacré, comme avec Vendredi ou les Limbes du Pacifique ( et quelques autres livres du même tabac, écrits par d’autres).
Demain on lira ici ou là des saloperies ou des hommages de circonstance à propos de Michel Tournier, de sa vie privée, de ses manies, de ses qualités et défauts… tout cela m’est complètement égal et n’a aucun intérêt. C’était un gigantesque écrivain, un de ceux, trop rares, qui, avec un seul livre, ont aidé leurs lecteurs à grandir, à devenir plus intelligents, plus sensibles, plus sensuels, plus libres, à aimer l’Homme avec un grand H. Et le reste n’est que bavardages et petitesses…
Merci Michel.
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Qui mieux qu’une organisatrice de l’apéro saucisson pinard pour évoquer l’auteur de « La Goutte d’Or » ?
Je n’ai jamais lu un livre de Michel Tournier. J’aurais aimé commencé par celui-ci, mais je ne savais pas vraiment trop à quoi m’attendre, sachant que je ne voulais surtout pas d’un discours moralisateur à deux balles (j’ignorais l’immensité de l’écrivain lorsque j’ai commencé à m’y intéresser). Je ne sais pas ce que vous avez pensé de ce livre en particulier, s’il y a un « message », ce qu’il faut en penser… il semblerait que ce texte n’ait pas d’ambition politique.
Dans une vidéo datant de 2011 ( http://actu.orange.fr/culture/michel-tournier-son-interview-en-video-par-franz-olivier-giesbert-lepoint_CNT000000irxn8.html ), Michel Tournier laissait quand même entendre qu’il aurait pu s’arrêter à « Vendredi », qui, à ses yeux, était sa meilleure oeuvre.
Il recommande aussi dans cette entrevue la lecture du livre « Soumission » de Houellebecq.
Avoir vu la vidéo m’a tout de suite donné envie de lire cet auteur. Il était politiquement incorrect… sur la question très délicate de l’avortement : http://next.liberation.fr/livres/2016/01/19/quand-michel-tournier-souhaitait-qu-on-retablisse-la-peine-de-mort-pour-les-avorteurs_1427451
Effectivement je pense qu’il aurait pu (dû ? ) s’arrêter après Vendredi, oeuvre majeure. Pour le reste je fais la distinction entre l’oeuvre et la vie privée, l’oeuvre est immense, sans doute que je me serais disputée considérablement avec le personnage notamment sur l’avortement, ses évocations du nazisme sont ambiguës mais peu importe seul l’oeuvre compte et Vendredi est un prodigieux hymne à la vie
Merci pour votre avis ! Je sais donc par où il convient de commencer pour découvrir l’auteur.
Par ailleurs, je vous ai envoyé par courriel le document que j’ai rédigé sur le halal – j’ai joint un document word par erreur, si vous souhaitez publier l’article, il ne faudra publier s’il vous plaît que le texte inclus dans le courriel et non la pièce jointe.
Merci Maxime je regarde ça
Sa mort a fait moins de bruit que celle de Michel Delpech….
Bonjour,
C’est la politique commune des médias depuis des années et qui vise à abaisser la France.
Vous remarquez, par exemple, que quand la France obtient un Nobel de Physique ou une médaille Fields, nos « chers » médias y consacrent moins de temps qu’un compte rendu sur le match de foot du moment.
Alors que je me souviens encore de l’enthousiasme qu’avait déchaîné l’obtention, en 1965, du Nobel de médecine par Jacob, Lwoff et Monod.
C’est le programme du politiquement correct: la liquidation de la culture parce que dite « dominante » …
Etant moi-même germaniste, j’avais lu son Roi des Aulnes par curiosité, mais je dois dire que je n’avais pas trouvé transcendante l’espèce de morale paganique qu’il véhiculait, et que ce romantisme germanique du fonds des bois et des marécages, ça va cinq minutes…
ce n’est pas son meilleur livre, et de loin, en effet
Vous avez lu ce livre à l’âge de 25 ans, et il y a 46 ans de cela !!
Je pense que vous vous vieillissez un peu Christine )
Eclat de rire, exact je me suis vieillie de 10 ans ! je corrige