A propos des enfants-soldats utilisés par les islamistes en Afrique, par Philippe le Routier

J’insiste lourdement. J’ai élevé, scolarisé en France, trois gosses ramenés d’Afrique (avant qu’on ne les tue ou qu’on ne me tue, c’était pareil, pas d’importance, plutôt crever que de les abandonner, le bordel là-bas pendant trois mois.

Vous êtes décidemment un homme de bien, Philippe, un homme de valeur…ces trois enfants, VOS trois enfants, de coeur au moins, ont eu beaucoup de chance de croiser votre route.

J’aime à lire l’Afrique à travers vos mots, elle y apparaît telle que je l’ai connue mais avec l’espoir en plus, votre existence montre que le bon côté de l’humain est encore présent, c’est rassurant.

 Mes souvenirs sont hideux à côté.
Je me souviens d’un matin où le vent faisait jaillir des étincelles du sable, un de ces jours où l’Afrique semble vous dire qu’elle seule decide et que sa force est immense, les humanitaires présents ne semblaient pas s’apercevoir que leurs puits, leurs écoles, leurs systèmes d’irrigation étaient très mal perçus par les fous d’allah, certains de ces humanitaires soutenaient même que notre présence à leur côté etait inutile…

Aux premières lueurs de l’aube les nouvelles commencèrent à tomber, un pneu crevé ici ou là, quelques radiateurs percés, les systèmes hydrauliques de notre unique C-130 étaient criblés de balles…

Pour les humanitaires c’étaient là les ultimes soubresauts de mouvements jihadistes forcément minoritaires, un baroud d’honneur avant que ces derniers ne fuient… les humanitaires sont parfois très très cons.

 Tout comme St-Ex nous étions « bien plus isolés qu’un naufragé au milieu de l’océan » mais les « petits princes » qui vinrent à nous étaient armés… des enfants-soldats envoyés pour tuer puis pour mourir pendant que les envoyeurs devaient faire route vers une frontières, vers la sécurité.

 Deux humanitaires légèrement blessés avaient suffi à faire devenir raisonnables tous les autres, quatre de ces enfants-soldats furent vite maîtrisés sans qu’aucun mal ne leur fut fait, mais il en restait et nos petits captifs n’allaient pas dire combien c’est évident.
Protéger plus de 250 civils, plus trente humanitaires, répartis dans quatre bâtiments, bâtiments africains dans toute la fragilité de la chose ça demande des yeux et des bras armés et il était certain que des bérets bleus n’allaient pas éliminer des menaces aussi jeunes, aussi petites… Mes gars n’étaient pas plus sûrs de ce côté là, trop fraîchement béret vert il leur manquait l’endurcissement, certains étaient déjà pères, et à quoi bon sortir en nombre après tout, on est donc sortis à trois, chacun sa traque…

Ca à duré, duré et duré, impossible que mes gars soient devenus si piètres tireurs, non, en fait ils faisaient tout pour juste blesser, sans réfléchir à la non réciprocité de ces enfants fanatisés venus pour tuer.

On avait tous bien sûr les mêmes armes, mais chacun pourtant pouvait reconnaître l’aboiement de celle du copain, savoir où etait le copain, alors les miens ont rabattu ces mômes vers moi, je l’ai très vite compris, ils laisseraient à celui qui avait déjà survécu au pire le plus souvent le choix final. Petite « lâcheté » bien compréhensible, à cette époque j’etais encore jeune mais déjà plus vraiment humain…eux si…

Ces enfants-soldats, le soir venu, avaient tous cet air étonné que leur vie ait été si brève, débarrassés de leurs armes leurs corps étaient paisibles, des gamins à qui le vent du désert n’avait pas encore donné la dureté de mes traits, des visages d’enfants, d’adolescents… vous devez les connaître vous, ces visages d’ebène aux dents parfaites, ces visages aux traits souvent durs et fiers de la dureté de l’Afrique qu’un sourire suffit à illuminer quand les adorateurs d’Allah ne leur apprennent pas à ne jamais être heureux.

Des musulmans de ce village, de simples musulmans, pas des fanatiques, sont venus me trouver, ils m’ont assuré que j’avais bien fait, qu’il fallait faire ainsi… ils voulaient néanmoins enterrer ces pauvres gosses selon les rites islamiques et ils ont accédé à ma demande de creuser moi même les fosses selon la direction que eux me donneraient… j’aurais creusé jusqu’à m’enterrer moi moi même… j’ignore aujourd’hui encore le nom de ces gosses.

Un ancien du village, un de ces anciens qui semble ne plus avoir avoir d’âge, m’a dit avec son beau sourire et sa grande sagesse que ces jeunes allaient m’attendre…
« pas au paradis d’Allah car ils ont échoué à te vaincre » me dit il.
« en enfer car c’est bien cela qui m’attend ? » lui répondis-je
» non, dans ton paradis car ton Dieu pardonnera leurs erreurs comme Il pardonnera les tiennes, et ces enfants seront heureux d’avoir connu ton Dieu et ils seront tes amis alors »

Ce vieux, ni musulman ni chrétien me semblait un peu fou je dois dire, mais il à appelé une petite fille qui savait écrire et il lui à dicté quatre année, la première longtemps après ce jour fut celle de mon mariage, les trois autres celles où naquirent mes filles… mystère de l’Afrique !

Voila mon cher Ph Jallade le genre de destin que vous avez évité à vos enfants, soyez en remercié.
J’espère que vous et votre famille pourrez trouver la bonté de me pardonner.

Philippe le Routier

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11 Commentaires

  1. Mon père n’est plus là , il est parti foudroyé par une leucémie , 5 ans après la mort de mon frère , à 24 ans dans un accident de voiture , en se demandant ce qu’il avait de mal pour être puni ainsi ………..
    Je crois qu’il faut à tout prix vous pardonner car vous avez très certainement sauvé beaucoup de vies , et ça vous n’en parlez pas beaucoup .
    Je pense que contrairement à ce que vous voulez nous faire croire , car vous voulez punir à tout prix encore et encore le gosse perdu et apeuré que vous étiez qui a cru en un idéal et qui s’est trompé , vous avez un très bon fond .
    Vous êtes un homme franc , droit , loyal et courageux , bien des hommes qui n’ont pas fait ce que vous avez fait n’ont pas le quart de ses qualités .
    Il me semble que vos supérieurs faisaient appel à vous , parce qu’ils savaient qu’ils pouvaient compter sur vous ( besoin d’amour , de reconnaissance de votre part , et je fonce bille en tête ? ) , il ne faut rien attendre de gens comme ça , mais ça , c’est la vie qui vous l’apprend à coups de baffes dans la gueule .
    Les gens comme vous nous protègent , nous , les planqués bien au chaud dans notre petite vie tranquille .
    Mon père vous aurait dit :  » trop bon , trop con  » ,  » la vie t’apprend à vivre  » .
    Vous n’êtes pas un Marc Dutroux , un Émile Louis , ou un Hitler …………
    Vous vous êtes trompé de route , d’idéal , et vous avez la très grande chance et la belle intelligence d’en avoir pris conscience .
    Votre femme ne vous a pas changé , elle a vu cette bonté en vous , parce qu’elle vous aime et elle vous a aidé à la voir .
    Vous avez trois petites filles , elles vous aiment , si elles vous parlent de la guerre , je suis certaine que vous trouverez les mots qu’il faut .
    Nous sommes nombreux à vous apprécier sur ce blog , croyez vous qu’un « monstre  » arriverait à ça ?
    Vous devriez lire ou relire des romans de Joseph Kessel , ( mais Christine sera bien plus fortiche que moi pour en parler) , un homme humble parmi les hommes , il les décrit avec leurs défauts , leurs lâchetés et leurs faiblesses et leurs bons côtés aussi , mais avec beaucoup de tendresse , de tolérance et sans juger , j’ai le sentiment qu’il nous dit : je suis comme vous , ni meilleur , ni pire et il nous les fait aimer ces petits hommes .

    Il est de ces êtres à qui tout excès aura été permis, et d’abord dans la témérité du soldat et du résistant, et qui aura gagné l’univers sans avoir perdu son âme. » Joseph Kessel
    Vous n’avez pas perdu votre âme , vous l’avez sauvée.

    • Merci Antigone pour cette superbe lettre pleine d’amour pour l’humain ; oui il ne faut pas qu’on laisse cette saloperie d’islam faire disparaître les gens comme vous, comme Philippe, qui nous rappellent que la vie c’est beau, c’est grand, pourvu qu’il y ait un être humain digne de ce nom

  2. @Philippe le Routier

    « le genre de destin que vous avez évité à vos enfants, soyez en remercié. »
    Pour être précis, je ne leur ai pas évité d’être enfants-soldats mais découpés à la machette -ainsi que leur mère-, ce qui sur le fond ne fait pas une bien grande différence, certes. Et, dans la foulée, il y a eu quelques centaines de milliers de mort au Rwanda, on vit avec çà… (moi et, surtout, ma femme, mais pas les 3 gosses).
    Remercié ? Je n’y ai jamais pensé. Sauf que ces dernières années j’aurais peut-être quand même bien voulu que ces connards de SOS Racisme et compagnie me décernent une médaille en chocolat ; mieux, une médaille en pomme-de-terre, rapport aux frites, vu que je suis d’origine Chtimi. J’écrirais bien une bafouille à Hollande pour qu’il me pistonne sur ce coup, mais il parait qu’il est encore plus illettré que tous les autres qui ont fait l’ENA, donc, c’est pas gagné, mon affaire.

    « J’espère que vous et votre famille pourrez trouver la bonté de me pardonner» Là, y’a un blème : c’est bien la première fois où vous écrivez une phrase que je ne comprends pas, mais alors pas du tout. (Fernand Reynaud : « Alors là, j’ai rien compris du tout à c’qu’il a voulu dire ; et pourtant ch’ui pas un imbécile… puisque ch’ui douanier… »).

    Juste une autre précision, un exemple. Une nuit, j’étais couché, un frère de ma femme a essayé de me tuer à la machette, trois semaines avant le mariage. Résultat : votre serviteur est toujours vivant mais l’ex-futur beau-frère est mort depuis belle lurette ; il ne me viendrait pas à l’idée d’en reparler à ma femme et de lui demander pardon.
    Dernier détail : la guerre c’est la guerre, vous le savez mieux que moi ; alors notez au passage que l’aîné des 3 enfants est maintenant militaire depuis un certain nombre d’années. A un moment, il a passé 3 ou 4 mois en Côte d’Ivoire, plus tard, 2 x 6 mois en Afghanistan ; il vient de passer l’hiver au nord du Mali, pas comme vaguemestre. Dans ce genre de situation, pardonner, être pardonné ? C’est quoi ? Attendez, vous me posez une colle, je vais chercher un dictionnaire (français, pour une fois).
    A bientôt.

  3. @Nini.
    Non c’est pas une belle histoire, ma manière de la conter, oui, car c’était prévu comme commentaire sous un article de Philippe Jallade et qu’une fois lancé j’ai voulu aller au bout, en essayant de ne pas trop choquer…

    Aventure ? Pas vraiment, juste la vie d’un militaire capable sans raison apparente d’aller au delà de ce que supportent les autres, c’est même pas une question de courage ou de bravoure, c’est là…ou pas !

    @Antigone
    Votre père dans son témoignage si imprécis relate finalement mieux que moi l’horreur et l’absurdité de la guerre.
    Permettez que je tente malgré tout de vous expliquer mon point de vue, qui je le sent doit être le sien.

    L’étape numéro une, c’est se retrouver face à des types finalement un peu comme vous, on est ennemis parce que des puissants en ont décidé ainsi en nous donnant des valeurs contraires, et qu’on pense devoir les défendre.

    Étape numéro deux, tuer par peur de mourir, puis la peur étant là on s’imagine que si l’ennemi disparaît, ou perd, on aura plus à le faire…on tue pour pouvoir un jour cesser.

    La troisième étape, que votre père à peut être connue par malchance tout comme moi, c’est de s’en sortir à chaque fois assez physiquement intact pour continuer. Là vous devenez un espoir pour ceux qui arrivent, vous êtes vivant signifiant que eux aussi ont leur chance…

    Quatre, vous devenez une référence, vos supérieurs vous envoient vous plutôt qu’un autre car vous avez acquis de l’expérience, vous n’êtes plus celui qui tient une arme et qui s’en sert vous êtes devenu l’arme.

    Le pire, j’ignore bien sur si votre père à connu cela, j’espère que non, c’est qu’on devient volontaire pour tout, les cyniques sont devenu gradés ou gratte papiers à l’abris à l’arrière, d’autres sont partis car ils avaient encore en eux un espoir dans la vie, d’autres, les plus marqués ou les plus cons, comme moi, relèvent chaque défis, chaque mission en ESPÉRANT rencontrer la grande-faucheuse, le type « meilleur » que soi qui vous enverra rejoindre vos victimes, car quand on est devenu un fauve digne de l’Enfer, le retour à la vie civile fait peur, puisque l’armée decide de tout pour vous depuis si longtemps que l’on se sent incapable de décider soi même…

    Puis le pire du pire…avoir vu la Mort, sentir ses forces partir MAIS, en même temps ne plus sentir la douleur, se dire que ENFIN, c’est fini ! Mais être « sauvé » in-extremis par des foutus toubib, et là quand la vie revient, la douleur est de nouveau là…et on vous dit que vous avez eu de la « chance » !

    On vous offre un changement d’état civil en même temps qu’on vous offre de réapprendre à manger avec une cuilliere après que vous ayez déjà du réapprendre à marcher et finalement vous devez apprendre à être ce que jamais vous ne pourrais être…quelqu’un comme tout les autres !

    La chance, la VRAIE CHANCE, c’est de rencontrer celle qui vois au delà du monstre, celle qui juge pas votre gueule cassée, celle qui demande rien sur votre passé, celle qui un jour vous tend votre enfant, si petit si fragile, preuve vivante que vous êtes encore humain finalement.

    Mais si vous êtes, juste, si vous vous efforcé de devenir et de demeurer un bon mari, un bon père, un Homme…comment voulez vous répondre quand vos enfants vous demandent ce que c’est que la guerre ?

    • Encore un texte si émouvant, Philippe… où caches-tu ces trésors que tu nous prodigues ? Ils ont l’air inépuisables…

      • Inépuisables ? Je ne pense pas non, disons que ton blog me fournit l’occasion de mettre des mots sur mon vécu, tout simplement.
        Je suis pas un ermite, ma famille est nombreuse, clients et copains de boulot aussi, mais tu imagines bien qu’on parle pas de ca durant un repas de famille.
        Mes filles « savent » puisque quand je les emmène à la piscine il est impossible de cacher mes cicatrices, mais même dire « elles savent » est faux finalement, même ma femme ne sait pas vraiment…

        Curieusement un ex militaire qui en a bavé reconnaît un autre qui en a fait de même, peut être parce qu’on reste hyper organisé, méfiant aussi, je sais pas trop, mais même entre nous on citera pas un lieu ou une date, on interiorise les choses, on planque…médailles, citations, j’ai même des lettres de civils que j’ai sorti de certains coins bien pourris, il y a que ma femme qui à vu cela, et ca a pris du temps !

        Je temoignerais de RIEN, pourtant par mes supérieurs cela me fut déjà demandé, avec garantie d’anonymat respectée, on doit être des dizaines à refuser ce genre de truc, c’est trop personnel je pense.

    • Beau complément, en effet, à l’article de Philippe

  4. Certains de ces souvenirs doivent hanter vos nuits et on ne peut pas détricoter le passé n’est ce pas , il faut vivre avec …………..
    Quand nous étions enfants , mon frère et moi , nous posions beaucoup de question à mon père sur la guerre . C’était pour nous , comme un film de série B : les morts se relèvent à la fin , car les armes ne tuent pas vraiment .
    Mon père marmonnait , ne répondait pas , c’était bien difficile de lui arracher un mot .
    Un jour , vous lui avions dit :  » mais pourquoi tu ne veux jamais parler de la guerre ?  »
    Il s’était mis en colère :  » mais qu’est ce vous pensez que c’est la guerre ? Une horreur , les combattants en face de moi n’étaient pour la plupart que des braves types , comme moi , des pères de famille , qui auraient préféré rester chez eux plutôt que d ‘aller tuer . mais ils n’ont pas eu le choix , comme moi .Les allemands n’étaient pas tous des nazis , ils ont été les premiers à faire les frais de ce régime et les camps de concentration ont d’abord été utilisés contre les opposants à Hitler  »
    La douche froide , ah bon ?! ……… Les enfants …………..
    Nous ne lui avons plus posé de questions nous avions compris que les souvenirs étaient douloureux …………………

    Il m’a fallu des jours et des jours pour regarder la première demi heure du film , il faut sauver le soldat Ryan , à coup de 5 minutes à chaque fois . Je coupais , en me disant que je n’y arriverais pas et le lendemain , je recommençais .
    Mais il me semble qu il y a quand même deux types de guerres : les offensives , que je n’accepte pas ; et les défensives , et là , il faut quand même bien dire qu’il est tout à fait normal de se défendre si nous sommes attaqués et vu la tournure que prennent les choses , ça risque bien d’arriver .

  5. C’est une très belle histoire Philippe.Vous en avez vécu des aventures dites donc !

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