L'Algérie avant et après le départ des Français, par Philippe Jallade

L’Algérie, çà fait un peu mal, même si je ne suis ni pied-noir ni harki.
A une époque, confronté aux réalités quotidiennes de l’Algérie, j’ai commencé à penser à ce qu’avait pu être l’Algérie française, dont je ne savais rien, sauf les habituels poncifs de gôche autour du thème « colonialisme ».

Là où j’étais alors, M’Sila, à 200-250 kms au sud d’Alger, rien ne poussait, aucune culture. Dès les premiers temps de ma présence là-bas, un ami Algérien m’a fait voir une vaste étendue à la sortie de la ville. Selon lui, au temps des Français, la zone était couverte d’abricotiers ; les abricots alimentaient le reste de l’Algérie notamment Alger. Après l’indépendance, un ponte du FLN est venu tout faire couper parce que c’était un symbole des Français.
Plus tard, ces abricotiers furent en partie remplacés par des pins, minuscules, à peu près à hauteur des genoux, déjà complètement nécrosés.

Un projet-phare de Boumedienne avait été de planter une forêt au travers de l’Algérie, de la Tunisie au Maroc, « le barrage vert », afin de stopper la progression du désert vers le nord du pays. Mais le peu qui a été planté était attaqué par un parasite. A M’Sila, j’ai vu ce que cela donnait.

Autre anecdote. J’allais souvent courir ou crapahuter seul dans la zone ; le vendredi j’étais toute la journée dans la « pampa », mon endroit préféré étant un barrage situé à 15 kilomètres.
La région était couverte d’un système dense d’irrigation fait par les Français, à partir du barrage ; des canalisations à ciel ouvert, parfois d’un très gros diamètre, tantôt au ras du sol, tantôt à deux mètres de hauteur ; avec évidemment des vannes par-ci par-là, parfois du lourd. Et bien, il n’y avait pas une goutte d’eau dans tout le système, et des tronçons entiers étaient cassés, de gros débris restant au sol.
Au temps des Français la région produisait des céréales ; après, plus rien, pour commencer, pas d’eau.

Dernière anecdote. J’avais connu au service militaire beaucoup d’anciens de la « guerre d’Algérie » ; ils étaient nombreux dans la caserne où j’étais et ont fait la gueule quand, à la fin du service j’ai annoncé que j’allais bosser « là-bas » (d’autant qu’ils connaissaient mes intentions initiales de m’engager à l’armée). L’un d’eux avait connu M’Sila, où il avait fait des parties de chasse au canard !
Pour ma part, en deux ans, je n’ai jamais vu un seul canard dans toute la région ni un endroit quelconque où des canards auraient pu nicher.

Philippe Jallade

 972 total views,  1 views today

image_pdf

24 Commentaires

  1. De la part de Philippe Jallade qui ne réussit pas à poster, en réponse à Caroline (dont je ne trouve pas le commentaire
    )
    « Chouette, les abricots sont de retour ; çà cartonne là-bas ; faire et défaire, c’est toujours travailler.
    C’était bien la peine de les avoir coupés.
    Il y aurait actuellement 7000 – 8000 ha, 6400 ha en 2004, 2400 ha en 1994 ; ils sont revenus depuis quand ?
    C’était quand même plus facile à faire revenir que planter le « barrage vert » en travers de l’Algérie, forêt de 3 millions d’hectares -1.500 km x 20 km-, dont seulement 100.000 – 200.000 hectares de pins rabougris ont été plantés, depuis 40 ans. »

  2. Et dire que c’est dans cet état de délabrement que « les chances pour la france » veulent mettre notre pays!!!!!
    A méditer..
    Vive la France libre

  3. Mon père , mes grands parents étaient pieds noirs .
    Vous avez un peu de temps , écoutez ce reportage qui reflète bien tout ce que ma famille m’a rdit et c’est bien la première fois que je peux écouter un autre discours .
    Alors les excuses , vous savez ce que j’ en fais !
    http://www.youtube.com/watch?v=wDo8PHKeveI

  4. Ça fait mal de lire tous ces témoignages, mal car tout, et je dis bien tout y compris le sang des nôtres versés et le résultat? Destruction. Mal et la rage, et c’est d’ailleurs bien pour ça que j’avais dit ici il y a quelques jours sur un autre fil que ces bandes d’ingrats peuvent aller se faire voir avec la « repentance. » Quand à l’usurpateur qui a eu le culot de SE repentir lui aussi mais en notre/mon non? La rage ici aussi et la haine.
    Je vois que pas mal de militaires ont posté sur ce fil, et messieurs, je vous salue. J’ai amour et profond respect pour notre armée, la VRAIE si vous me comprenez, et des militaires il y en a et en a eu un paquet dans ma famille depuis un bail, et c’est aussi mais pas seulement à travers eux que j’ai développé et enrichi ces sentiments, car valeur, honneur, patrie et respect, ils le respirent/respiraient eux ainsi ceux de leurs collègues qu’ils m’a été le privilège de rencontrer et connaître. Ajoutons tous nos braves qui me sont personnellement inconnus mais sont légions.
    Semper Fi Messieurs, et merci pour vos services.

  5. ayant effectué mon service militaire à oran (algérie)je peux témoigner,il y avait des h.l.m qui venaient d’etre terminé,et n’avaient jamais été habités, des moutons et des chèvres vivaient sur les terrasses et balcons,alors que des gens vivaient dans des mechtas en bas…..j’ai des collègues qui ont fait le voyage dernièrement pour oran….en ville d’oran les immeubles et maisons n’ont pas été ravales ni repeints depuis que les français sont partis en 1962……des poubelles jonches le sol dans les rues ainsi que des sacs en plastiques, avec bien.sur des rats…..il y a également beaucoups d’insécurité….j’ai effectué mon service militaire de 1963 à mai 1964 ,c’était une ville très jolie et moderne,pourtant après l’indépendance c’était très dangereux j’ai failli y laisser la vie à plusieurs reprises. je rappelle que de juillet 1962 à juillet 1964 ; 500 MILITAIRES FRANCAIS SONT MORTS POUR LA FRANCE:des centaines de blessés et de disparus,nous ne sommes pas reconnus ;nous sommes les oubliés de cette guerre….pas droit à la carte de combattant……amitiés.

    • Ce n’est pas pour rien que le chef du FLN vient se faire soigner en France.

  6. bonjour, ayant effectué mon service militaire à oran de 1963 à 1964,oran était une ville magnifique et très moderne,après le départ des européens j’ai vu des chèvres et des moutons sur les balcons de h.l.m qui étaient à peine terminés,alors que des gens vivaient dans des mechtas en bas….depuis peu de temps j’ai des collègues qui ont visité oran,ils sont repartis très déçus; les batiments et maisons en ville n’ont pas été ravalés et repeints depuis que les français sont partis,des déchets et sacs de poubelles jonches les rues…avec des rats qui courent partout, sans compter l’insécurité qui y règne…..etc….etc….en temps que militaire appelé ,je n’ai pas gardé un très bon souvenir j’ai failli y laisser la vie à plusieurs reprises,malgré l’indépendance….je rappelle quand meme que 535 militaires français sont morts pour la france …de juillet 1962 à juillet 1964 des centaines de blessés et de disparus….et avec tout ceci….on ne veut p

    • Merci pour votre témoignage qui confirme tout ce que nous avons lu sur le sujet

  7. Je lis toujours avec nostalgie et amertume les articles sur l’Algérie, où j’ai fait mon service militaire comme sous-officier pilote ALAT (Aviation légère de l’armée de terre), en 1961 et 1962 jusqu’à la fin des hostilités. Cantonné au sud de l’Atlas, je devais de temps à autre emmener un haut gradé à Alger à bord de mon Piper L18. Ce faisant, j’ai souvent survolé la Mitidja, cet ancien marécage immense, entre la mer et l’Atlas, défriché par les Français pour en faire une plaine fertile et resplendissante avec, entre autres, des orangeraies et, si je ne trompe, des vignes. Je me souviens d’avoir dégusté avec plaisir un merveilleux vin rosé d’Algérie. J’ai lu il y a quelques mois que « Mère Nature » avait reconquis la Mitidja… Trois petits gars de mon petit patelin breton ont laissé leur peau en Algérie, dont un bon copain qui habitait en face chez moi. Quel gâchis !

    • Quelle émotion Jack, de lire ce témoignage. Avec vous de tout coeur.

    • Cet enfer ou rien ne pousse est devenu un paradis verdoyant pour retourner à ce qu’il était au départ.
      C’est pareil avec les usines,les infrastructures etc…c’est comme donner des perles à un cochon. Aussi, suite à cette mauvaise expérience il faudrait comprendre un jour qu’il est inutile d’investir d’avantage là-dedans, ce sont des coup d’épées dans l’eau : inutile et dispendieux…par les temps qui courrent ce n’est vraiment pasle moment de jeter de l’argent par les fenêtres. Ces gens là semblent aimer la misère dans laquelle ils vivent, pourquoi persister à vouloir les en sortir puisqu’ils ne veulent pas, ils sont bien comme ça.

    • L’ALAT ? Le monde est petit, sur RR.
      Le militaire ancien d’Algérie que j’évoque ci-dessus, qui m’avait parlé de M’Sila et de canards avant mon (premier) départ en Algérie, était de l’ALAT, pilote d’hélicoptère, Adjudant-Chef Boyer. Plutôt petite taille, blond, très calme, très gentil, pas très bavard. J’ai fait mon service militaire dans l’ALAT, en bonne partie à Pau, dans la caserne où il était alors (GALDIV 11).
      Après ma première année en Algérie, en vacances en France, je suis repassé à Pau le revoir à la caserne (je suis vraiment un drôle de rigolo) pour lui dire que ses canards n’existaient pas. Il s’est refermé comme une tombe.

  8. J’ai connu récemment plusieurs couples de « pieds-noirs » qui ont vécu près d’Oran et à Alger dans les années terribles. Les hommes regrettent sans aucun doute de ne pas pouvoir y être restés, mais les femmes m’ont affirmé qu’elles ne remettraient jamais les pieds là-bas à la suite des exactions et de la barbarie qu’a entraînés la libération de l’Algérie. Une peur et une haine viscérales en même temps qu’un amour entier de la terre même.
    Quelle désolation !

  9. personnellement, je souhaite que l’intermède Franco-Algérien prenne fin une bonne foi pour toutes. Ils ont voulu notre départ et leur « indépendance »( par la terreur que semait le FLN dans les populations) et cela nous a coûté nombre de vies de jeunes Français. Alors aujourd’hui qu’ils se débrouillent et je suis poli et surtout qu’ils restent chez eux!!!!!!!!!!!!

  10. Personnellement je ne peux parler de l’Algérie française. Née en 1951 j’ai grandi dans une France insouciante et heureuse, sans vraiment d’état d’âme, je dois dire.
    Mais je comprends l’amertume qui a dû être la vôtre en voyant du travail détruit, la désertification et la quasi-ruine de tout un pays provoquée par la c…….rie de certains qui ne voulaient plus de symboles français. Cela doit donner envie de dire « tout ça pour ça ! ».
    Et ne ne comprends pas que la France continue d’aider des peuples qui s’imaginent que tout leur est dû et qui ne connaissent pas la valeur des choses et des efforts des autres.

  11. Oui, l’Algérie, ça fait mal. Pour y avoir vécu, enfant, de 1960 à fin 1962, en compagnie de mes parents – mon père était militaire de carrière – à 100 kilomètres en dessous d’Orléansville (renommée El-Asnam depuis), à quelques kilomètres de la mer, j’en ai conservé de nombreux souvenirs. Hélas, de nombreux amis pieds-noirs ayant fui précipitamment plus tard, pour ne pas se faire massacrer, nous ont confié que toutes les infrastructures laissées sur place ont fait l’objet de destructions systématiques, ceci afin de « gommer » la présence française.
    Au lieu de profiter intelligemment de l’héritage, les Algériens ont préféré pratiquer la politique de la terre brûlée. Et c’est à ces gens-là que ce traître lèche-babouches de président des votants de gauche est allé présenter des excuses, en crachant sur la mémoire des soldats comme mon père qui ont servi là-bas notre patrie. Je lui voue pour cela une haine éternelle, et chaque jour je souhaite ardemment qu’on le chasse du pouvoir qu’il a obtenu de façon illégitime!

    • oui, c’est leur manière à eux d’établir leur identité. Ce sera fait de la même manière en territoire conquis, à n’en pas douter !!!….ne pas laisser de traces de leurs prédécesseur. C’est déjà pas mal commencé vous avez du ous en appercevoir d’ailleurs. Et ils ne détruisent pas que des propriété, ils détruisent tout,les coutumes, les mets nationaux, l’éducation…ils détruisent à tous les niveaux dirait on .

  12. Bien oui Philippe, vous avez sû décrire la réalité avec brio car c’est souvent ce genre d’histoire que j’entend de la bouche de ceux qui ont vécu en Algérie.

    • C’est juste deux ou trois anecdotes vite fait, j’en aurais bien d’autres.
      Tant qu’on y est, à l’époque j’avais des échos, sources algériennes toujours, comme quoi les usines algériennes ne tournaient qu’à 10% de leur capacité, 30% maxi. Des années plus tard j’ai souvent été concerné par des usines algériennes, sur une période de quinze (15) ans, dans l’agro-alimentaire ou connexe, à partir de la gestion et du traitement des eaux, ou des interventions strictement dans le domaine de l’eau. Incroyable.
      Point important, interdit de le dire : une partie des matières premières -souvent importées- entrant en usine, se retrouve rejetée à l’oued ; idem pour une partie des produits finis et des produits intermédiaires. Et si vous avez là-dedans, par exemple, un atelier de préparation de soude, pour les besoins de tel complexe industriel, une enquête semée d’embûches et de menaces vous amènera à découvrir que l’usine consomme 300 tonnes par mois de soude en vrac au lieu de 150 tonnes ; la différence va, là aussi, à l’oued et en trabendo (contrebande) surtout si le Maroc n’est pas loin.
      Une usine aussi, parmi d’autres, m’a occupé pendant longtemps dans la grande banlieue industrielle d’Alger, à Oued Smar, avec à la clé un gros contrat signé par mon patron (français) d’alors ; les gags que j’évoque ci-dessus faisaient que cette usine polluait autant que la ville d’Alger. Evidemment, je n’étais pas très bien vu d’expliquer tout çà et j’avais intérêt à avoir les yeux dans le dos. Là comme ailleurs la cause est le manque de maintenance, le non-respect des consignes d’exploitation, la détérioration très prématurée du matériel, les combines des bidouilleurs toujours plus malins que tout le monde, qui ne font que flinguer encore plus les équipements… Il y a dix ans, j’en ai eu vraiment marre.
      Je ne vous donne ici que quelques petits indices ; mais dans ce domaine, vous pouvez me croire sur parole, il y a de quoi écrire un bouquin plus épais que le coran.

Les commentaires sont fermés.