Photo : panneaux de projets de développement à Nyassia en Casamance (Sénégal)
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Quels résultats la coopération internationale avec l’Afrique donne-t-elle vraiment ? Est-ce que les projets aboutissent ? Comment sont-ils évalués ?
Faire les choses à la place des autochtones est-il bien pertinent ?
Les moyens alloués sont importants ainsi que le prestige lié à ces opérations, mais le décalage avec la réalité est immense.
Voici des extraits du témoignage d’Alvar Jones Sanchez, Docteur en anthropologie sociale, Fondation Croix-Rouge française, qui est allé sur le terrain et nous fait part de son amertume.
J’ai travaillé pendant une dizaine d’années dans le monde de la coopération internationale, essentiellement sur le continent africain. Je m’en suis distancé pour plusieurs motifs.
L’un des plus importants tient à l’absence de correspondance entre les bénéfices associés à mes fonctions (en termes économiques et de prestige) et l’échec fréquent des projets.
Ce malaise affecte un grand nombre de professionnels au sein d’organisations internationales du développement, qui doivent concilier leur désir de stabilité et de réussite professionnelle avec des questionnements éthiques parfois complexes.
Bureaucratie et entregent…
(…) Ce sont en réalité d’autres compétences qui sont valorisées, telles que la bonne gestion bureaucratique et comptable des projets (la production de rapports, le respect du calendrier, le contrôle budgétaire), la représentation institutionnelle ou la capacité à capter des fonds.
S’assurer que l’intervention constitue une amélioration de la qualité de vie des populations sur le long terme n’est pas directement associé aux exigences du poste. Elle relève plutôt de l’engagement personnel. Très peu d’organismes font le suivi des projets achevés, pour en évaluer la portée un ou deux ans après leur finalisation. Cette inquiétude n’existe pas dans la mesure où elle n’est habituellement pas exigée et financée par les bailleurs. Les professionnels qui prennent cette peine sont rares, et doivent souvent le faire sur leur propre temps libre.
Qu’en est-il de l’efficacité des projets ?
Ces « résidus » sont les traces d’interventions de développement menées par des ONG et des agences internationales. Ils font partie de l’environnement quotidien des populations. Ces vestiges questionnent l’efficacité de beaucoup d’actions menées sur le continent sous la bannière du développement.
Il n’existe pas de données fiables sur le succès et les échecs des interventions. D’autant plus que ces qualifications varient selon de la perspective des acteurs impliqués.
Dans le cadre d’un projet de recherche financé par la Fondation de la Croix Rouge en Casamance, au sud du Sénégal, nous avons visité de nombreux villages afin d’établir ce qu’il restait des projets réalisés par les ONG internationales durant les cinq dernières années. Les interventions définies comme faillies désignaient les situations où les dispositifs mis en place avaient cessé de fonctionner à peine quelques semaines après la fin du projet. Selon cette perspective, le taux d’échec était supérieur à 70 % dans certaines localités, tandis qu’une ONG espagnole caracolait à 90 % d’échec.
Des blocs maraîchers, des chèvreries, des infrastructures d’eau, une maternité, des marchés communautaires édifiés par les intervenants, tombaient en désuétude à peine quelques mois après leur construction.
Projet de chèvrerie abandonné à Darsalam en Casamance (Sénégal).
(…) De nombreuses interventions de développement (…) sont très problématiques en termes d’impact, de viabilité et de pérennisation. Leur fréquence est difficile à chiffrer à large échelle, dans la mesure où il n’existe bien souvent aucun recensement global des actions menées sur une zone particulière, et où les dispositifs d’évaluation ne sont ni fiables ni homogènes.
Un système d’évaluation déficient
Si la culture de l’évaluation s’est aujourd’hui imposée dans le secteur de la coopération internationale, les outils utilisés sont insuffisants pour calibrer les transformations sociales ou économiques dérivées d’une intervention. Il y a plusieurs raisons à cela :
En premier lieu, l’évaluateur est presque toujours recruté par l’organisation qui a mené l’intervention – ce qui engage inévitablement sa neutralité (…).
En deuxième lieu, l’évaluateur dispose d’à peine quelques heures, voire de quelques jours sur le terrain, afin d’évaluer une intervention souvent menée sur plusieurs années (…)
En troisième lieu, l’évaluation d’un projet est habituellement menée à peine quelques jours ou quelques semaines après les dernières activités, pour des raisons d’homogénéité administrative et budgétaire. Mais ce procédé empêche tout recul pour évaluer l’impact. Comment savoir si, un ou deux ans après un appui matériel et économique pour la mise en place d’un petit commerce, un salon de coiffure ou un atelier de couture par exemple, les bénéficiaires se consacrent toujours à l’activité ? Ou si au contraire, comme il est extrêmement fréquent, ils ont vendu le matériel, et se retrouvent dans la même situation qu’au départ ?
Les procédures habituelles d’évaluation ne fournissent pas ces données. Elles portent sur des processus, c’est-à-dire qu’elles procèdent à la vérification des comptes, s’assurent que les activités prévues ont eu lieu et que les principaux bénéficiaires se disent plus ou moins satisfaits. Ces dispositifs sont donc davantage orientés vers la légitimation du système de l’aide que vers l’analyse des transformations enclenchées (…).
Des pays « sous régime d’aide »
L’impact des interventions en général, au-delà de chaque projet, est une autre question qui passe inaperçue dans les procédures habituelles d’évaluation. Si l’aide au développement peut constituer une opportunité pour traiter des secteurs délaissés par l’État, ou pour le transfert de compétences, elle s’accompagne aussi d’effets sociaux, économiques et politiques plus problématiques.
Unité de transformation de céréales qui n’a pas marché à Darsalam en Casamance (Sénégal).Alvar Jones Sanchez
En Casamance par exemple, l’aide a considérablement nui à l’engagement citoyen : là ou par le passé les populations se mobilisaient par elles-mêmes pour la construction d’une école ou d’un poste de santé, elles tendraient davantage aujourd’hui à la passivité.
L’engagement volontaire très fréquent par le passé (pour le creusement de tranchées par exemple en vue de l’installation de canalisations) est souvent impensable aujourd’hui sans incitation économique.
Cette dépendance vis-à-vis de l’initiative et du financement extérieurs est palpable à plus large échelle. De nombreux États africains dépendent financièrement de l’aide des organisations internationales.
Celles-ci, en contrepartie, s’invitent dans la définition des politiques publiques. Certains parlent à ce sujet de « pays sous régime d’aide« . Il tient lieu de se questionner si ces procédés, qui affectent la souveraineté nationale, affaiblissent plutôt qu’elles ne renforcent les États récepteurs, et si, au fond, l’aide ne produisait pas les effets qu’elle prétend combattre.
La présence même d’ONG internationales s’accompagne d’effets palpables sur les tissus sociaux et économiques locaux. Dans des contextes souvent dominés par le secteur informel, le travail dans celles-ci est hautement valorisé tant par le salaire que par le statut. L’aide au développement attire logiquement les professionnels les plus qualifiés, souvent au détriment de la fonction publique. Elle fragilise d’autant plus des structures d’État souvent déjà déficitaire.
Quand l’aide creuse les inégalités
L’aide alimente également les inégalités socioéconomiques existantes. L’exemple qu’en donne Christophe Courtin est particulièrement éloquent. Tandis que le revenu d’un responsable expatrié de l’Union européenne sur le sol africain peut atteindre 12 000 euros (avec les avantages en nature et les cotisations), l’agent de sécurité à la porte de la même délégation de l’UE perçoit rarement plus de 120 euros (soit 100 fois moins !).
L’aide est absurde quand elle est déconnectée d’une vision politique et d’un projet de société.
En conformité avec l’idéal libéral, la réduction de la pauvreté – objectif déclaré de l’aide au développement – n’est pas incompatible avec le creusement des inégalités. Ainsi, souvent présentée en termes techniques, comme dénuée de toute idéologie, la conceptualisation du développement est en réalité indissociable d’une vision politique et d’un projet de société.
Aide = progrès ? Cette théorie relève de l’idéologie.
L’idée selon laquelle l’aide au développement produit du progrès est communément admise. Elle est pourtant subordonnée aux critères éthiques, politiques ou socio-économiques mobilisés pour l’évaluer. En l’absence de processus d’évaluations fiables, qui puissent prendre une certaine distance vis-à-vis des intérêts des principaux opérateurs de développement (bailleurs bilatéraux et multilatéraux, ONG nationales et internationales), cette équation (aide-progrès), qui constitue la légitimité des institutions de développement, relève davantage de l’idéologie que des réalités empiriques.
Alvar Jones Sanchez, Docteur en anthropologie sociale, Fondation Croix-Rouge française
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original, repris par France info.
https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/senegal/comment-evaluer-l-efficacite-de-laide-au-developpement-en-afrique_3402457.html
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Par le passé pas si lointain j’ai effectué une mission de consultant ONU sur des programmes de développement des eaux souterraines dans le Sahel.
Malgré la réussite de ces projets les forages ont systématiquement été détruits et bouchés sur ordre des dirigeants tandis que des taxes douanières (!!!) exorbitantes frappaient les importations de matériel délivré gratuitement dans ces pays.
Oui mais en Afrique: ngolo ngolo dans la case. Ca marche bien…
Ha dit donc.
Un pote militaire se trouvait en afrique quelques années en arrière , tous les jours il voyait un gars du coin fauchant de l’herbe avec une faux courte et donc en position voutée toute la matinée . Lorsque l’africain avait terminé sa tache il se relevait péniblement en se tenant longuement le bas du dos qui le faisait souffrir , mon pote lui confectionna un manche plus long identique aux outils européens afin qu’il travaille plus confortablement . Quelques jours plus tard il voit l’africain qui avait rééquipé sa faux avec le manche court et lui en demande la raison et le gars répondit » Tu as raison le manche plus long ça fait moins mal au dos mais nous ici nous avons toujours fait avec un court , mon grand père et mon père avant moi et moi je fais comme eux ! «
Hé oui, ils ne changeront jamais. Pas grave, le marabout va le soigner ou alors il viendra goûter aux joies de la CAF et de l’AME française.
Exact! Tidiane N’Diaye décrit parfaitement l’esclavage musulman et Ernest Tigori montre comme même l’esclavage vers l’Amérique pouvait être une chance!
C’est assez excessif et faux… j’y ai rencontré là bas pas mal de bonnes volontés et d’envies de faire. mais force est de constater que le système social et financier africain décourage très vite les initiatives. Quant aux banques, elles ne servent à rien.
Bonjour,
Le système financier africain marche formidablement bien : la fille d’un Président africain, femme la plus riche d’Afrique, avec un patrimoine estimé de centaines de millions d’euros, sans doute grâce à ses immenses talents :=)
je suis en train de me demander si la periode la moins malheureuse des africanis qui vécurent sous ces noms ronflants d’ empire du Mali ou d’ empire Songho, qui sont les mots soft pour designer ces ethnies entr’assassines, si cette époque ne fut pas finalement celle de l’ esclavage tant decrié
lorsqu ils furent importés par centaines de milliers vers les antilles d’ abord, puis vers les etats du sud, par exemple Virginie pour le tabac
esclavage bien doux quand on sait comment ça se passait plus tot , des siècles avant le commerce « triangulaire » pour ces africains l’esclavage musulman….
l’ oncle Tom n’ a pas été malheureux sous l’ oncle Sam……
quoique en disent les braillards et couineurs noirs africains du style CRAN , a qui un coup d’ arrêt ne ferait que du bien …….encouragés par tous les dingues d’ ONG
« Unité de transformation de céréales qui n’a pas marché à Dar salam en Casamance (Sénégal). »
y a plus qu a recommencer a Dar Aleykoum
en mémoire de rené Dumont
« »L’Afrique noire est mal partie
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Cet article est une ébauche concernant l’Afrique.
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L’Afrique noire est mal partie est un livre de l’agronome René Dumont paru en 1962.
Il y décrit méthodiquement les handicaps du continent africain, les problèmes de corruption, les conséquences de la décolonisation, et son diagnostic s’est révélé le plus souvent pertinent par la suite 2.
L’ouvrage est organisé en quatre thèmes3 :
L’afrique inter-tropicale piétine
Elle pourrait cependant se développer rapidement
Pour ce développement, l’Afrique doit repenser son école, ses cadres, ses structures
L’Afrique cliente de l’Europe, ou se développant par elle-même
Anecdote
Bernard-Henri Lévy raconte, dans son livre La Guerre sans l’aimer (paru en 2011 aux éditions Grasset) au paragraphe intitulé « Samedi 9 avril, fin », qu’à la suite de la parution de ce livre, des enfants ivoiriens et sénégalais ont été prénommés « L’Afrique noire est mal partie ».
xxxxxx
ailleurs ils s’ appellent « fêtenat » tous ceux qui naissent un 14 juillet
L’Afrique, un continent perdu.
On ne peut pas changer les mentalités.
Les profiteurs seront toujours des profiteuras.
Les indolents seront toujours indolents.
L’ appel de là vie facile en Europe ne se dissipera pas, tant que nous participerons à entretenir ce mythe.
D’ un mulet, on ne fera jamais un cheval de course.
Les ONG le savent très bien, mais elles ne vont pas scier la branche sur laquelle elles sont assises.
C’est tout à fait ça : l’aide humanitaire est devenue une industrie à part entière qui fait vivre des millions de personnes! Évidemment qu’ils se gardent de faire le suivi des projets!
Les africains ont viré les européens en s’imaginant qu’ils seraient mieux lotis avec les asiatiques et autres indiens , ils n’ont pas fini de déchanter .
Comme de plus ils ont tous signé le pacte de Marrakech,en s’imaginant qu’ils en seraient les seuls bénéficiaires, ils se retrouvent aux prises avec des chinois, des hindous qui viennent par milliers sans papier ni visas , car les asiatiques ont aussi maintenant leurs filières de passeurs en Afrique …
Bien fait pour eux tout compte fait.
Tout le monde sait bien que les africains ne savent rien faire, ce sont des branleurs qui ne sortiront jamais de leur médiocrité et quand ils viennent chez nous, c’est pour vivre à nos crochets!
bien écrit RODREIGUE…bien écrit…..
TOUTE coopération sans autorité finit dans les poches de dirigeants sans scrupules… est abandonnée. Il est plus que temps de laisser l’Afrique se débrouiller… de lui donner une dignité qu’elle perd « grâce » aux dons auxquels ses dirigeants croient avoir droit!!
Lisez « L’Afrique à désintoxiquer » de Kakou Ernest Tigori. Ce livre « désintoxique » génialement Européens comme Africains
dans le canard municipal, j’avais lu une association pour la scolarisation des enfants malgaches, 70000 euros pour…3 salles de classe. Un gouffre à finances, un puits sans fond de conneries.
Surtout que la construction de ces 3 classes ne coûtent pas 70 000 euros ,,encore de la surfacturation , comme tout ce qui concerne la coopération , dont certains s’en sont mis plein les fouilles ! En 1789 il y a des têtes qui sont tombées pour moins que ça !