Docteur en sciences du langage, juriste et militant et enseignant bénévole d’une langue régionale depuis plus de 30 ans, j’ai adressé fin mai à M. Hollande et à de hautes autorités de l’État une étude pluridisciplinaire de 22 p. intitulée « Langues régionales : Charte, loi ? ».
En voici le résumé.
Depuis que M. Hollande a renoncé à « faire ratifier » le Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ceux qui réclament cette ratification se manifestent bruyamment. Mais au delà des arguments toujours ressassés, une approche pluridisciplinaire pourrait mieux éclairer le débat.
L’histoire, d’abord, montre que l’expansion du français a commencé il y a 750 ans sous St Louis, par le choix des élites, même étrangères au royaume ; à partir de la Révolution, elle a résulté de la volonté politique d’en étendre l’avantage au peuple, dans un consensus général qui n’est remis en cause que depuis quelques décennies ; le déclin des langues locales en a été la conséquence, malgré leur entrée à l’école à partir du régime de Vichy.
La sociolinguistique montre les conditions de revitalisation des langues en présence d’une langue officielle ; partir d’une langue encore pratiquée par une proportion relativement importante de locuteurs effectifs est une condition nécessaire, mais pas suffisante.
Cela étant, les langues régionales de France ont un statut officiel, mal connu et peu mis en œuvre, notamment par les collectivités territoriales ; or depuis 2008, elles ont la responsabilité première de la conservation de leurs langues, donc de larges possibilités juridiques.
Une loi nouvelle ne parait pas indispensable dans l’immédiat, mais plutôt une circulaire récapitulant ce statut et suggérant des actions légalement possibles.
La Charte européenne ne prévoit rien pour les langues qui ne sont plus « pratiquées » ; et pour celles qui le sont, à moins de renoncer à quelques principes qui fondent notre droit public depuis plus de deux siècles et de s’engager à d’énormes dépenses qui paraitront vite intolérables, la Charte n’offre rien qui ne puisse être fait par une loi nationale. Il serait donc inutile et surtout dangereux de la ratifier.
Jean Lafitte
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Mon “étude pluridisciplinaire” citée ci-dessus peut être téléchargée:
http://www.academia.edu/9455943/Jean_Lafitte