En guise de bouteille à la mer : réflexions d’un psychothérapeute, importance du groupe (A)

Remarque préalable : un petit malentendu, dû à un manque de clarté de ma part, fit que Christine a annoncé dans mon 7ème chapitre :“Suite et fin de „Reflexions d’un psychotherapeute“ alors que dans mon esprit il s’agissait de „Suite et fin de la 1ère grande partie“,celle où je traitais du développement individuel.

En effet l’être humain ne vit pas isolé comme une île et d’autres facteurs importants influent sur son comportement: Le groupe, qu’il soit familial ou social d’une part et la société dans laquelle il vit, ses valeurs et son idéologie d’autre part. Ce sont ces deux environnements et leur influence sur notre évolution que je me propose d’examiner. 

Les “réflexions d’un psychothérapeute” concernent   le développement individuel, le groupe, et la société.

I) Le développement individuel que nous avons examiné dans les 7 premiers chapitres.

je me rends bien compte que la 6éme et 7ème partie de ma bouteille à la mer sont centrées sur le développement individuel. Je le considère comme prioritaire mais il y a d’autres facteurs qui influent sur nos vies.

II) Le Groupe, c’est la seconde partie

A) L’absence de groupe : individuation et isolement

C’est un aspect que j’ai traité brièvement dans le „1er cercle de l’enfer“. Il me semble absolument impératif de sortir de cet isolement et de reconstituer des groupes humains au delà de la famille nucléarisée

– Ainsi que je l’ai montré à plusieurs reprises, la famille nucléarisée n’est pas l’environnement idéal pour élever un enfant. Père et mère sont vite débordés, à la limite de leurs forces et de leurs nerfs. Afin de vous donner une idée de ce que peut ressentir le bébé ou le petit enfant lorsqu’un parent perd ses nerfs: imaginez que vous avez devant vous un géant (ou une géante) de 4- 5 mètres de haut et qui pèse dans les 2 à 300 Kilogs et qui vous hurle dessus avec une face contorsionnée de colère, voire de fureur, sans que vous sachiez ce que vous avez bien pu faire de mal… Quand j’imagine cela je ressens de la peur, voire de la terreur!

Pour avoir une idée de la manière dont des tribus de la jungle amazonienne élèvent leurs enfants, je vous conseille le livre absolument indispensable de Jean Liedloff:

Le concept du continuum. A la recherche du bonheur perdu“ par Jean Liedloff (chez Medimops)

Jean Liedloff a eu la chance de participer à une expédition d’ethnologues en Amérique du Sud chez les Indiens yequana.

Constatant leur bonheur de vivre elle se demanda comment cela se pouvait-il, alors que eux aussi avaient la même nature humaine que nous, nature humaine qui nous pose tant de problèmes, problèmes que les Indiens yequana ne semblent pas avoir.

Une de ses conclusions fut que le bébé ou le petit enfant est en constant contact corporel avec ses parents, les membres de sa famille et de sa tribu.

Si vous vous souvenez de ce que j’écrivais sur le „foetus-bébé“(………..) donc sur le fait que le bébé humain est toujours un prématuré, alors vous comprendrez que le contact corporel est vital pour lui, que c’est une sorte de message permanent à l’enfant: On t’aime, on veille sur toi, on te protège, tu es l’un de nous, tu es désiré, tu es aimé.

Ceci n’est évidemment possible que dans un groupe, une tribu, une grande famille mais certainement pas dans la famille nucléarisée.

Ma femme et moi avons pu experimenter deux semaines durant ce mode de vie „tribal“ lors d’un séminaire que je donnais en Crête à un groupe de 12 personnes.

Nos temps de travail étaient de 11.00 à 13.00 heures et de 16.00 à 18.00 heures. Daniel et Lea, nos enfants, avaient les participants du groupe pour eux lors des grandes pauses: Avec l’un ils faisaient de grandes balades, avec l’autre ils taillaient des roseaux pour en faire des sifflets, avec le troisième ils s’essayaient à la pêche et ainsi de suite, ce qui nous permettait, à ma femme et moi d’avoir des „siestes crapuleuses“ selon le mot d’une petite fille au sourire aussi innocent qu’éblouissant et qui jouait dehors.

Nos enfants nous revenaient pleins de joies pour nous raconter leurs aventures avec les grands…

Ces deux semaines de vie „amazonienne“ furent deux semaines de bonheur.

Le livre de Jean Liedloff contient aussi des exercices que l’on peut faire afin de ressentir cet „État de grâce“ dont elle parle. Dans les exemples que je donne il y a un préalable: Exclure toute connotation sexuelle:

1) Parce qu’il s’agit de régresser à l’état du petit enfant et donc à un état a-sexuel.

2) Pour éviter que notre cortex préfrontal (le cerveau „rationnel“) se pose sans cesse des questions du genre: „Où met-il sa main? Est-ce que je dois le stopper maintenant? Ou l’encourager en le laissant faire? Attend-t’elle de moi que je la caresse? Que suis-je supposé faire maintenant?“

La réponse est: RIEN, ce qui en soi est un grand soulagement. En excluant toute connotation sexuelle on élimine ces questionnements et on ouvre un champ possible de sensations physiques pures où le cerveau rationnel n’a pas sa place, pour le moment .

Exemples: „Le sandwich“: Une personne A est allongée sur le coté, la personne B est couchée contre elle et la personne C est couchée contre son dos. Bien entendu il peut y avoir une excitation sexuelle, on ne la niera pas mais on ne la suivra pas !

Le Bercement“: A est couchée sur le dos au milieu, B et C sont agenouillés de part et d’autre de A, les mains sur ses côtes ou ses hanches. Après un moment de silence et d’immobilité, B et C commencent à bouger doucement et rythmiquement le corps de A.

A perd très vite la notion du temps et se laisse bercer doucement.

Ces exercices peuvent être faits également lorsque deux personnes, au lieu de trois, sont en présence mais la régle de „NO SEX“ reste intangible.

Je n’ai rien contre la sexualité, bien au contraire, mais il est bon de l’interdire dans ces exercices afin de permettre l’existence et le développement de pures sensations sans interférences de notre cerveau rationnel.

A un tout autre niveau le groupe est important pour apprendre les règles de la vie en communauté, que ce soit des communautés transitoires ou permanentes, des groupes sociaux, politiques ou tout simplement d’amis…

A Karlsruhe nous avons un tel groupe d’hommes dont le nombre varie de 6 à 10 participants et où nous essayons et exerçons des règles diverses. La 1ère est: Pas de femmes!

Il ne s’agit pas de misogynie! D’ailleurs cette règle fut copiée sur celle des groupes de femmes qui avaient constaté que dès qu’il y avait un ou des hommes présents, les anciens comportements rituels de séduction, de jalousie ou de se „profiler“ réapparaissaient comme par magie et que les vraies raisons d’être du groupe: La recherche du vrai moi („Qui suis-je vraiment dans le fin fond de moi-même“) disparaissaient en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Nous les hommes ne sommes pas meilleurs et nous avons donc adopté cette règle: Pas de femmes dans notre groupe!

Il y a d’ailleurs d’autre effets positifs: Nous pouvons parler de choses qui nous gêneraient devant des femmes, des craintes de défaillance sexuelle, des échecs dans les jeux de l’amour, de la crainte du rejet de l’autre et de bien d’autres thèmes, par exemple des règles de discussion ou de conflits…

Nous pouvons nous „explorer“ sans crainte d’être jugés. (A suivre)

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4 Commentaires

  1. C’est également une des règles de la franc-maçonnerie traditionnelle (le grand Orient n’en est pas) pour la même raison. Nullement dû à une quelconque misogynie ni mépris intellectuel des femmes qu ide ce point de vue n’ont rien à envier aux hommes.

    • C’est également une des règles de la franc-maçonnerie traditionnelle (le grand Orient n’en est pas) pour la même raison. Nullement dû à une quelconque misogynie ni mépris intellectuel des femmes quide ce point de vue n’ont rien à envier aux hommes.

  2. Cher Edmond, vos articles sont “diablement ” passionnants. Je crois avoir lu, il y a fort longtemps, Ralph Linton, où il évoquait ce qu’il nommait l’illusion groupale. En appartenant à un groupe, nous sommes en accord avec un minimum de valeurs de ce groupe. Sinon il n’aurait pas de raison d’être. Se pose le problème du bien et du mal, selon les aspirations dudit groupe. Exemple les nazis dans un passé récent. Pour que la catharsis fonctionne, il faudrait ainsi que le cadre social soit en harmonie avec elle. Bon, je ratiocine un peu trop,parfois, ne m’en voulez pas. Merci pour votre article. Amitiés !

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  1. En guise de bouteille à la mer : réflexions d’un psychothérapeute, importance du groupe (B) – Résistance Républicaine

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