Qui n’aime pas Piotr Ilitch Tchaïkovski, le plus occidental des compositeurs russes ? 4/5

Nous voici à la quatrième partie du cycle de la vie et l’œuvre de Tchaïkovski. Pour ceux qui veulent relire (ou lire) la première partie, c’est ici. Pour la deuxième, c’est ici. Pour la troisième, c’est ici.

 

PARTIE 4 sur 5

LA BELLE AU BOIS DORMANT

La Belle au bois dormant est un ballet de Piotr Ilitch Tchaïkovski inspiré du conte de Charles Perrault et des frères Grimm, représenté pour la première fois en 1890 au Théâtre Marinsky de Saint-Pétersbourg, avec une chorégraphie de Marius Petipa (1).

Initialement destiné à la cour du tsar de Russie, ce ballet d’une immense popularité fait partie de nos jours du répertoire de la plupart des compagnies classiques dans le monde. La marque de Noureev (2) se voit dans une plus grande présence des danseurs masculins et dans la rare élégance des figures.

Extraits du ballet avec musique

La valse de Paris

Dans la version chorégraphiée par Rudolf Noureev, direction musicale de David Coleman, décors d’Ezio Frigerio, costumes de Franca Squarciapino. Danseurs Aurélie Dupont, Manuel Legris. Opéra Bastille de Paris 29 décembre1999.

 

Extrait de l’acte II “L’Oiseau Bleu” – Ballet du Bolchoï (3)

 

Ballet (chorégraphie et musique) en entier

 

Intégralité de la musique seule (02h 26′ 18″)

Cliquez ici.

LE CUEILLEUR DE CHAMPIGNONS

Comme beaucoup de ses concitoyens, le musicien développe une passion dévorante pour la cueillette des champignons. “L’instant où l’on aperçoit et où l’on cueille un beau cèpe bien charnu est délicieux” raconte-t-il avec émotion à Mme Von Meck, sa bienfaitrice, dans une lettre datée du 23 mai 1878. “Toute cette nuit, j’ai rêvé d’énormes champignons rouges.” Le ramassage des champignons est un loisir très prisé par la population russe à l’époque.

LE MISANTHROPE

Aux yeux de son entourage et de ses contemporains, Tchaïkovski est un homme plutôt doux et bienveillant, doté d’excellentes manières. Mais le compositeur, lui, ressent les choses d’une toute autre manière. Il se décrit comme timide, presque asocial : “Je suis un sauvage. Chaque nouvelle connaissance, chaque rencontre avec un inconnu a toujours été pour moi source des pires souffrances morales” (lettre à Mme Von Meck, 1878).

“Je ne puis être calme et véritablement heureux que lorsque je suis seul.” (Lettre à Jurgenson (4), 1879) Une condition d’accès au bonheur plutôt problématique lorsqu’on aspire à la reconnaissance de son oeuvre et à un métier artistique, mais dont seuls les plus proches de Tchaïkovski semblent avoir eu connaissance.

CONCERTO POUR VIOLON ET ORCHESTRE EN RE MAJEUR OPUS 35

Le Concerto pour violon en ré majeur, op. 35, de Tchaïkovski fut composé en mars et avril 1878.

La première représentation a eu lieu à Vienne, en Autriche, le 22 novembre 1881, avec le violoniste Adolph Brodsky sous la direction de Hans Richter.

L’exécution du concerto dure approximativement 35 minutes et la partition est dédiée à Adolf Brodsky. Il était originellement écrit pour Leopold Auer, mais celui-ci refusa de la jouer en raison de sa difficulté ; ce dernier reviendra plus tard sur sa décision, mais en modifiant certains passages de la partie soliste. Bien qu’il ait écrit trois concertos pour le piano, Tchaïkovski n’en a écrit qu’un seul pour le violon.

Il existe une version arrangée pour violon et piano par Tchaïkovski, en mars 1878. Cette version a été créée à Clarens (canton de Vaud) le 3 avril 1878 par Joseph Kotek au violon et le compositeur au piano.

Au fil du premier mouvement la mélodie aux violons gonfle, et si les bois répondent en se plaignant, qu’importe, elle gonfle encore et encore…. Puis les bois se referment vers le grave et font entrer le violon solo. Son entrée a l’air quasi improvisée, et il va glisser mine de rien dans la première mélodie, sentimentale et inspirée de l’intro de l’orchestre.

C’est là l’immense talent du compositeur qui est un mélodiste comme il n’y en a pas deux. Chez lui, tous les contours, tous les élans sont caressants. Avec une spontanéité revendiquée : Tchaïkovski est fier de ses thèmes qu’il ne force à rien. Il les laisse monter jusqu’à l’explosion en gros forte. C’est “l’instant Tchaikovsky”, quand la sentimentalité devient éclat.

Dans le troisième mouvement, on entend des gitans frapper du pied dans un refrain qui revient tant de fois qu’il sera souvent coupé à certains endroits en concert. Tchaikovski tombe dans l’oreille de tous. L’une de ses techniques qui nous le rendent si évident, c’est la répétition de chaque motif deux fois. Dans les derniers moments du concerto, chaque motif est répété inlassablement pour que les oreilles l’apprivoisent, sauf le dernier qui appelle les applaudissements.

Ce concerto pour violon a été, et est, interprété par de très nombreux violonistes. Beaucoup d’interprétation sont magnifiques. Il a été très difficile pour moi de choisir. Je vous propose ici une interprétation que j’aime beaucoup et qui commence à dater ; celle de Nathan Milstein (5) dont l’enregistrement date de 1963 en noir et blanc, avec l’Orchestre Symphonique de Chicago dirigé par Walter Hendl (6).

  1. Allegro moderato (16’59”)
  2. Canzonetta – Andante (07’59”)
  3. Finale – Allegro vivacissimo (7’87”)

 

POETE ET MELODISTE

On connaît Tchaïkovski pour ses musiques de ballets, ses grands opéras (Eugène Onéguine, La Dame de Pique…) ses symphonies, concerto, quatuor et trio, mais on sait moins souvent qu’il est aussi l’auteur d’une centaine de mélodies – forme musicale des plus intimistes – qui font écho à son attrait pour la poésie.

Enfant, Tchaïkovski écrivait des petits poèmes hantés par les thèmes de la mort et du destin. Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’il conserve tout au long de sa vie le goût de la poésie mise en musique. Il exprime ainsi ses différentes humeurs, et écrit parfois lui-même les vers de ses mélodies.

EUGENE ONEGUINE

Eugène Onéguine est un opéra en trois actes et 7 tableaux composé par Tchaïkovski entre juin 1877 et janvier 1878, sur un livret russe de Constantin Chilovsky et du compositeur, inspiré d’Eugène Onéguine, roman en vers d’Alexandre Pouchkine. La première représentation eut lieu au Petit Théâtre du Collège impérial de musique (Théâtre Maly), à Moscou, le 29 mars 1879.

L’intrigue se déroule dans une propriété de campagne près de Saint-Pétersbourg, à la fin du XVIIIème siècle. Olga et Tatiana sont les filles de Madame Larina : la première est rieuse et amoureuse du poète Lensky, la seconde rêveuse et mélancolique. Lorsque se présente Eugène Onéguine, un ami de Lensky, Tatiana s’éprend instantanément de cet être froid –  qui répond à sa passion avec mépris. Dénué, semble-t-il, de tout sentiment, Onéguine pousse le cynisme jusqu’à courtiser Olga lors d’un bal : la situation ne fait qu’accentuer la douleur de Tatiana et suscite une terrible crise de jalousie de Lensky, qui provoque son ami Onéguine en duel ; mais c’est lui, Lensky, qui périra lors de ce duel. De longues années s’écoulent. Eugène Onéguine a compris bien tard l’amour qu’il éprouvait pour Tatiana, mariée désormais au Prince Grémine. Alors qu’Onéguine confesse à Tatiana sa passion et ses regrets de n’avoir su répondre à son amour d’autrefois, celle-ci le repousse et l’éconduit à son tour, fidèle à son devoir d’épouse. Entre rage et douleur, Onéguine demeure seul et maudit le ciel.

Voici la musique seule dont les interprêtes sont les suivants :

  • Tatiana: Galina Vishnevskaya
  • Onegin: Yuri Mazurok
  • Lenski: Vladimir Atlantov
  • Olga: Tamara Sinyavskaya
  • Gremin: Alexander Ognivtsev
  • Nurse: Larisa Avdeyeva
  • Larina: Tatyana Tugarinova
  • Triquet: Vitaly Vlasov
  • Zaretsky: Mikhail Shkaptsov
  • Captain: Gennady Pankov
  • Orchestra and Chorus of the Bolshoi Theater
  • Mstislav Rostropovich, chef d’orchestre

Enregistré en 1970. Durée : 2h 33mn 24s. Cliquez ici.

Pour visionner Eugène Onéguine intégralement musiques et scènes, c’est ci-dessous (2h 42′ 13″)

Bon, ben, voilà, cher ami mélomane, c’est déjà pas mal pour une quatrième partie. Alors, bien sûr, j’aurai pu faire cette série du compositeur en 50 parties ! Si on analyse des dizaines d’oeuvres de Tchaïkovski, ça n’en fini plus !

Non, il faut être sérieux et n’avoir qu’un seul objectif : vous intéresser à la vie et la musique de Tchaïkovski. Cinq parties sont très largement suffisantes. Tout le reste ne serait que superflu.

Dans la dernière, nous verrons ensemble la mort de Tchaïkovski et beaucoup de choses qui vont avec ainsi que quelques surprises également.

Bye bye !

Cachou

 

 

 

 

 

(1) Marius Petipa (1818-1910) est un danseur, maître de ballet et chorégraphe français qui vécut en Russie de l’âge de 29 ans jusqu’à sa mort.

(2) Rudolf Noureïevn (1938 – 1993) est un danseur classique, chorégraphe et directeur de ballet d’origine tatare. Doué d’une technique exemplaire, Rudolf Noureev est considéré comme l’un des plus grands danseurs classiques et comme l’un des plus grands chorégraphesn. Il est surnommé le “seigneur de la danse”.

(3) Le théâtre Bolchoï est une scène prestigieuse de Moscou, en Russie. Situé non loin du Kremlin, des pièces de théâtre, des opéras et des ballets y sont représentés. Le théâtre peut accueillir jusqu’à 1 800 personnes.

Le théâtre Bolchoï, rénové plusieurs fois depuis sa construction, est un symbole de Moscou et de la Russie (son image néoclassique étant exposée sur le billet russe de 100 roubles). Le 28 octobre 2011, après six ans de travaux de rénovation pour un coût de 21 milliards de roubles (environ 530 millions d’euros) le théâtre rouvre ses portes.

(4) Peter Jurgenson (1836-1903) était un éditeur de musique germano-estonien. C’était l’éditeur musical le plus important de tout l’Empire russe. Il est surtout célèbre pour avoir été l’éditeur des principales œuvres de Tchaïkovski avec lequel il était ami.

(5) Nathan Milstein (1903 – 1992) était un violoniste d’origine russe/juif, naturalisé américain en 1942 après avoir passé une grande partie de sa vie aux États-Unis. Il a joué sur deux Stradivarius : un de 1716 “Le Maria-Theresa”, et un de 1703 “Le Dancla”.

(6) Walter Hendl (1917 – 2007), est un chef d’orchestre, compositeur et pianiste américain. Ses plus grands enregistrements ont été réalisés pour RCA Victor, notamment des concertos pour violons avec Jascha Heifetz, Henryk Szeryng, Nathan Milstein et Erick Friedman et des concertos pour piano avec pour solistes Van Cliburn et Gary Graffman.

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10 Commentaires

  1. Encore bravo et merci pour ce cours D’Histoire si riche et magnifiquement illustré.
    Voilà un article que l’on devrait envoyer dans les écoles.Le 3eme mouvement du concerto m’émeut toujours jusqu’aux larmes, des larmes de bonheur. Je trouve d’ailleurs extraordinaire le travail de Melanie Laurent dans ce très beau film (Le concert si je ne me trompe)
    Es tu écrivain, historien ?
    Feras-tu des articles sur Est Sans, Rachmaninov,…..

    • Merci de ta participation dans ce forum, ami Lagardère. Et un grand merci de tes encouragements qui me vont droit au cœur.
      Oui, chacun des trois mouvements de ce concerto est très émouvant.
      Suis-je écrivain, historien ? Pas du tout mon ami. Je ne suis qu’un modeste citoyen qui a eu une profession de santé durant sa carrière, mais qui, tout jeune, et en fin de classe supérieure de violon au conservatoire à Paris, a failli embrasser la carrière de violoniste professionnel. Puis ce sont les professions de santé qui ont gagné sur la musique comme professionnel !
      Inutile de te dire que je suis resté un amateur que l’on qualifie habituellement de “éclairé”. J’ai beaucoup joué en duo avec piano, j’ai créé un quatuor à cordes, ainsi qu’un orchestre complet que je dirigeais.
      Tout cela est du passé. Mais je me suis énormément intéressé à la musique classique et cela continu encore.
      De futurs articles sur Rachmaninov, Saint-Saëns ? Oui, bien sûr que oui et d’autres encore. J’en ai fait un complet sur Johannes Brahms que tu peux aller lire en cliquant ici.
      Au plaisir de te lire plus tard.

  2. Quel moment d’évasion que vous nous offrez ami Cachou! Merci pour tout ce travail fait avec amour et minutie.
    Il fut un temps je fréquentais la musique classique avec assiduité mais il est vrai que le travail et les évènements m’amènent à moduler mon temps. Merci pour ce moment d’évasion qui atténue ces jours difficiles! Un aveu : j’ai écouté devant mon ordi le concerto pour violon, – je connaissais cette belle version – jusqu’au bout tellement cela me manquait. Vous réconciliez mon temps avec la musique classique. Par ailleurs, je suis comme vous féru d’astronomie, mon rêve serait de polir un miroir de 400mm – oui je sais c’est ambitieux – mais je ne désespère pas ! Que de belles choses à notre disposition, à nous d’aller les découvrir. Continuez à nous mettre du baume au cœur. Merci encore et Bravo !

    • Cher gamma,
      Que dire si ce n’est que ton post m’a touché profondément ! Ce sont des encouragements qui comptent beaucoup. Merci.
      Je fignole en ce moment la dernière partie de la vie et l’œuvre de cet extraordinaire compositeur qu’est Tchaïkovski. Et je peux te dire qu’elle réserve une surprise de taille. Quelque chose dont, je pense, tu ne pensais pas qu’elle existe. Mais je te la laisse découvrir dès publication de cette 5ème et dernière partie, en principe samedi prochain.
      Alors aussi, tu te passionnes pour l’astronomie. Bon, tu as compris que le “Professeur Têtenlair” des rubriques d’Astronomie du mercredi n’est personne d’autre que ton serviteur (Cachou). Aujourd’hui va paraître un article un peu technique : “La danse des pulsars”.
      Tu veux polir un miroir de 400 mm. Ce n’est pas rien !
      Oui, la vie est remplie de choses merveilleuses.
      Dommage que les français s’acharnent à tout détruire par bêtise et indifférence depuis 50 ans…
      Encore merci, ami gamma.

  3. Un grand merci pour cette nouvelle page, une merveille. PS J’apprécie aussi beaucoup les articles scientifiques.

    • Merci, ami Jojodumans, de tes félicitations et encouragements. C’est parce que des personnes comme toi apprécient mon modeste travail, que le désir de m’améliorer sans cesse m’anime.
      Merci aussi d’apprécier mes articles sur l’Astronomie (qui est, avec la musique, la passion de ma vie) et les Sciences.

  4. Merci, Cachou pour ce nouveau cadeau présenté avec une rare attention pour le lecteur-auditeur, comme tous tes articles, tel un bijou dans un écrin. Quelle beauté !

    • J’ai été très touché, ami Jules, par l’extrême gentillesse et poésie de tes encouragements. Venant d’un auteur aux qualités connues de tous, cela m’encourage à me perfectionner le plus possible.
      Bien entendu, je lis avec énormément d’intérêt tes articles dont la construction, les références, la rédaction et l’iconographie sont de très hautes qualités.
      Encore merci.

  5. Ami Cachou, merci de ce moment de détente musicale. Quelle érudition. Je me suis toujours intéressé à la littérature russe ; j’ai lu, j’étais précoce, Guerre et paix lorsque j’avais dix ans. Puis bien plus tard, Gogol, Tourgueniev et autres. J’ai toujours trouvé l’âme slave un peu rude. Là, dans ce musicien, je retrouve un peu de moi-même sur le plan de la poésie. J’aime aussi sa musique. Merci de me l’avoir fait redécouvrir. Message personnel : la musique adoucit les mœurs, dit-on, il faudrait envoyer quelques morceaux célèbres au dénommé Macron, histoire de constater la véracité de ce proverbe. J’en doute un peu, en constatant le caractère de ce sauvage, qui ne doit aimer que les chansons de marche de la Wehrmacht, ou pire!

    • Ah, mon ami Argo, toujours le petit mot fort sympathique. Un grand merci de tes encouragements qui me vont droit au cœur.

      Tu as parfaitement raison, la littérature russe est passionnante et très différente des littératures occidentales pour le peu que j’en connaisse.
      La Russie est un pays qui me passionne et m’attire beaucoup. Si j’étais célibataire, il ne serait pas exclu que j’aille vivre deux ou trois ans en Russie. Mais cela n’est pas possible.

      J’ai eu un fils avec sa famille qui ont vécu trois ans à Moscou à quelques minutes à pied de la Place Rouge. Ils sont revenus en France il y a deux ans. Durant cette période, avec ma femme, nous sommes allés plusieurs fois le voir et donc à Moscou. C’est un pays fascinant, et Moscou est une ville également fascinante de même que Saint-Pétersbourg et bien d’autres moins connues que nous avons visitées.

      Tu me conseilles en message personnel d’envoyer au dictateur Macron quelques morceaux pour adoucir ses mœurs. Je suis tout à fait d’accord, et l’orgue étant un instrument majestueux en musique comme tu le sais, je suis prêt à lui envoyer autant d’orgues de Staline que tu le souhaiteras. Nous le savons, Macron- Staline main dans la main pour la dictature, et ce dernier a droit de faire un cadeau au premier en lui offrant ses orgues.
      Bien amicalement

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