Les bobos remplacent les prolos : les bâtiments des textiles DMC transformés en ateliers d’artistes

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Cela se passe à Mulhouse, mais c’est la mode partout en France.

Avec la mondialisation, nos usines se voient transformées en ateliers d’artistes.

Voilà peut-être un des  drames de la France !

Ces artistes sont sûrement fort sympathiques et utiles mais on a beau nous raconter qu’ils « redonnent vie » à ce lieu, on a plutôt l’impression que notre pays devient  une coquille vide.

Entre le XIXème siècle et maintenant, les murs ont vu deux sociétés que tout oppose : travail/loisir, exportation dans le monde entier/délocalisation industrielle, collectif/individu…

Une société d’autrefois qui valorisait le travail collectif (anonyme) d’un côté et de l’autre notre société où chaque individu se met en avant sans pudeur et veut avoir son”mur”et ses photos personnelles sur Facebook ou Instagram. Où chaque “artiste” se précipite pour occuper le terrain et exister.

Comme le dit la chanson :

“Faut-il pleurer, faut-il en rire ?

Font-ils envie ou bien pitié ?

Je n’ai pas le coeur à le dire, 

On ne voit pas le temps passer…”

 https://www.lavieimmo.com/divers-immobilier/un-ancien-site-industriel-mulhouse-transforme-en-atelier-d-artistes-47750.html

L’ancien site historique de l’entreprise de textile DMC a été reconverti. 100.000 mètres carrés, répartis sur 70 hectares, accueillent maintenant des artistes.

Installé à Mulhouse (Haut-Rhin) au cœur d’un ancien site industriel en pleine réhabilitation, l’atelier d’artistes Motoco offre à quelque 140 créateurs un lieu de travail bon marché et pérenne, un “laboratoire” d’idées qui suscite la curiosité en France et à l’étranger. Quelque 100.000 m2 d’imposants bâtiments en briques rouges, répartis sur plus de 70 hectares en plein Mulhouse: bienvenue sur l’ancien site historique de l’entreprise de textile DMC, ex-fleuron de l’industrie alsacienne.

 

Au milieu de cette zone un temps restée en friche, le bâtiment 75, QG de Motoco (abréviation de “More to come”, “plus à venir”). Avec 140 artistes et artisans français et internationaux, c’est l’une des plus importantes résidences d’ateliers de création en France. Les résidents se partagent deux immenses étages où “chacun dispose de son atelier”, du plus grand (250 m2) au plus petit (10 m2), loué à prix dérisoire : 1,83 euro mensuel le mètre carré, plus 15 euros de charges annuelles, explique Martine Zussy, 49 ans, la directrice de Motoco.

 

Le lieu, qui commence à se tailler une belle réputation, attire de plus en plus d’artistes et d’artisans – plasticiens, photographes, céramistes, mais aussi urbanistes ou architectes -, tous choisis par une commission. “Nous avons eu environ 200 candidats entre fin 2018 et 2019”, glisse Martine Zussy. Une vigueur qui tranche avec des débuts compliqués: lancé en 2012, Motoco s’est retrouvé en liquidation quatre ans plus tard. L’agglomération mulhousienne (M2A), propriétaire de la majorité du site DMC et donc du bâtiment 75, se tourne vers Martine Zussy, alors chargée de développement économique à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Mulhouse.

 

Une partie des bâtiments a malheureusement été rasée il y a quelques années.

Sur ce gâchis (2014):

https://www.lalsace.fr/haut-rhin/2014/01/04/l-irreversible-a-ete-commis

Après avoir conduit une recherche approfondie […], nous pouvions écrire, dans le livre DMC Patrimoine mondial ? paru en 2006 : ‘’Le bonheur, et en même temps la surprise, c’est que la filature géante existe encore, comme une miraculée qu’on avait oubliée.’’

L’édifice a de quoi surprendre. Nous nous y sommes rendus presque en cachette avec mes étudiants, pour leur faire percevoir ce qu’est le patrimoine […] Ils m’ont exposé leurs impressions : […] ‘’Très rapidement, nous constatâmes la grande beauté architecturale du lieu.’’ ‘’Un si grand espace non exploité est un gâchis pour la ville.’’ […] ‘’Ce bâtiment est sans conteste un témoignage incommensurable de l’âge d’or du textile et du passé industriel de la ville’’…

La beauté du lieu fait donc l’unanimité. […] Les 1300 signatures déposées sur le bureau du maire, fin 2010, pour sauver ce bâtiment, l’ont de fait propulsé dans le champ du patrimoine et l’ont érigé en monument.

Or, que dit Victor Hugo (1834) à propos d’un monument ? ‘’[…] Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté : son usage appartient à son propriétaire, sa beauté à tout le monde ; c’est donc dépasser son droit que de le détruire.’’

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Toute l’histoire de DMC, une icône pour le textile dans le monde, perd à présent son sens

Cette phrase est d’actualité, plus qu’elle ne l’a jamais été. Non, Monsieur le président du groupe Superba, il ne vous appartenait pas de culbuter ce monument. Quel dommage d’ailleurs, dans les négociations entre la Ville et Superba, que la valeur patrimoniale de l’objet – un Parthénon de la révolution industrielle – n’ait pas du tout été prise en compte.

L’irréversible a été commis. C’est plutôt regrettable, alors même qu’on s’efforce de valoriser le petit empire DMC et de l’intégrer dans la logique de la prestigieuse Internationale Bauausstellung Basel pour l’horizon 2020. Et qu’on est en train de construire, au sein de l’Université de Haute-Alsace (UHA), une formation Erasmus unique en Europe intitulée Enjeux sociétaux de l’archéologie industrielle. Elle s’ajoute d’ailleurs au démarrage d’une formation en ligne pilotée par l’UHA et l’Ircos sur les reconversions des friches industrielles (car c’est bien de cela qu’il s’agit).

Pire, alors qu’on aurait pu intervenir au moment de la démolition pour au moins sauver la connaissance du bâtiment et de ses infrastructures par une intervention archéologique comme on en fait dans tous les domaines de l’archéologie préventive, cette démolition brutale s’est faite sans même que soit informé le seul laboratoire d’archéologie industrielle en France (le Cresat à l’UHA).

« AUJOURD’HUI, UN LIEU DE VIE » BOBO dans ce qui reste des bâtiments.

Image en haut à gauche dans le montage ci-dessus : les “architectes” barbottant dans ce qui fut le bassin aux nénuphars.

SOUVENIRS DE CE QUE FUT DMC.

Sortie d’usine.

Pliage des tissus.

Produits destinés à la teinture.

Le plan des maisons de la cité ouvrière.

http://www.crdp-strasbourg.fr/data/patrimoine-industriel/mulhouse-19/cite_ouvriere.php?parent=25

Si chaque maison comprend un rez-de-chaussée, un premier étage, une cave et un grenier, on peut distinguer trois grands types.

Les plus nombreuses sont les maisons par groupes de quatre ou carré mulhousien avec une surface habitable correcte, deux murs mitoyens et deux façades qui donnent sur le jardin.
Un autre type, bien représenté, comprend les maisons contiguës en bande et adossées : il s’agit des maisons les plus économiques, avec une bonne isolation car, à l’exception des maisons situées en coin, trois façades sur quatre touchent un voisin. Ces maisons comportent cependant moins de pièces que les autres modèles, vu qu’il n’y a qu’une façade libre pour les fenêtres.
Enfin, les maisons en bande entre cour et jardin sont les moins nombreuses : le nombre de pièces est plus élevé, mais aussi le coût.

 

TENUI FILO MAGNUM TEXITUR OPUS        –   “D’un simple fil, une œuvre d’art est née”

En 1850, le fils de JEAN DOLLFUS-MIEG, lors de ses études à Leeds, en Angleterre, découvre l’invention du chimiste JOHN MERCER –“le mercerisage” procédé consistant à passer un fil de coton à la soude caustique, modifiant ainsi cette fibre et lui procurant sa résistance, sa longévité et son aspect soyeux.

C’est aussi au 19ème siècle que DMC noue des liens solides avec la célèbre brodeuse, Thérèse de DILLMONT. L’amitié qui unit cette femme de talent et Jean DOLLFUS-MIEG, la pousse à venir habiter Dornach, ville proche de Mulhouse, où elle fonde sa propre école de broderie, avec le soutien de DMC.

Des chefs-d’œuvre ont été réalisés dans cet atelier …

Cette tenture de 1940 crée par la dessinatrice et illustratrice Jacqueline Verly a demandé plus de  10 000 heures de travail à l’atelier de broderie de DMC. L’œuvre originale fait 4 mètres sur 7m60, ici vous ne voyez que la moitié de la réalisation … sans oublier  les six tapisseries représentant des scènes de l’Odyssée, conçues pour l’Exposition Universelle de Bruxelles en 1958.

Cet ouvrage exceptionnel a été travaillé sur de la toile de lin  à l’Atelier de Broderie DMC de Mulhouse et a nécessité au cours des divers stades (essais, dessins et broderies) environ 24.000 heures de travail.

 

Panneau central de dimension 150 x 454 cm représentant «L’Arche de Noé» composant le triptyque

Pour couvrir entièrement la surface de la toile il aura fallu pas moins de 111.860 mètres de fils à broder …!!!

Plus de 100 points ont été utilisés pour cette broderie parmi lesquels : le passé empiétant, le passé plat, le point de tige, le point de tige portugais, le point de chainette droit, le point de chainette zigzag, le point de nœud, le point de corde perlé, le point de Palestrina, différents points noués fantaisie, le point roman, le point bouclé, le point de Malte, le point de peluche, le point de vannerie, le point de dentelle natté, différents points Gobelins, différents points d’orient, des points tissés, et des points damassés. Certains points ont été faits sur bourrage.

La dimension réelle de la chouette de 59 cm vous donne un aperçu de la taille de l’œuvre !

 Pour la petite histoire, ce triptyque a été retrouvé très récemment dans un coin d’un des bâtiments de l’usine à Mulhouse où il avait été déposé … puis oublié

Sources :

https://blog.dmc.fr/latelier-de-broderie-de-dmc/

https://www.dmc.com/fr/p-dmc-histoire.html#null

http://netmadame.free.fr/culture/franck/histoire_broderie/index.htm#lien

https://www.ina.fr/video/PUB1411748089/dmc-les-plus-belles-histoires-sont-celles-qu-on-brode-video.html

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11 Commentaires

  1. entre le marteau de l’immigration et l’enclume de la gentriffication , le peuple français se meurt !
    c’est dramatique, ce phénomène de bobos et hypsters , touchent toutes nos villes et nos régions . c’est une honte , ils n’ont aucuns respect pour le passé et l’histoire d’un lieu , aucunes décence vis a vis des autochtones qui se retrouvent paupérisés , a cause de ce phénomène de gentriffication .
    en plus d’avoirs pourris nos villes , voilà maintenant que les bobos s’attaquent a nos campagnes et villages , sou le nom de néo-ruraux ou néo-paysans , des gens issus de milieux aisés et avec des bons boulot de cadres supérieurs , universitaires , fils de .. rentiers … viennent dans nos campagnes s’amuser au bergers et au paysans ,alors qu’ils (au contraires des vrais paysans) savent qu’ils ne risque rien économiquement parlant , certains gardes même leurs boulot d’ informaticiens ou cadres , avec le télé travail , toute en occupant par exotisme le travail , la place , la terre , la maison … de gens du pays . les bobos volent le pain de la bouche des pauvres !
    de plus ces ordures pleins de frics et diplômes , lorsque ils viennent pratiquaient la ”simplicité volontaire ” ( mot a la mode dans les milieux bobos ) dans nos campagnes , ils font augmenter les prix des terres et du foncier , pénalisant une fois de plus le pauvre , voulant s’installer à la campagne , pour fuir une vie de misère en ville . ces connards de bobos , devraient savoir que certains , n’ont pas vraiment le choix et pratiquent malgré eux la simplicité involontaire .
    le bobo est un vrai problème . depuis qu’il est apparu dans notre quotidien , il nous rend la vie doublement pénible . en plus de faire face au déclassement , nous devons supporter sa morgue .

  2. L’arsenal de la Marine à BREST a construit entre autres les escorteurs d’escadres, le Clémenceau et le Charles De Gaulle; Aujourd’hui, les ateliers des Capucins sont vides et laissent la place à des boboïtudes artistiques qui enrichissent la ville culturellement et que l’on peut aller découvrir par le truchement du téléphérique quand il n’est pas en panne ! Je me marre… Pendant de temps là, les navires de la Marine Nationale vont caréner dans les entreprises civiles à Concarneau ou Saint Malo tandis que les bassins de carénage de l’arsenal de BREST restent désespérément vides, les bateaux neufs sont également construits dans le civil à St Nazaire, Concarneau… Il ne reste que le chantier naval DAMEN (Hollandais) pour rappeler que BREST fut un grand centre industriel naval. L’industrie a cédé la place à la culture, voire l’inculture quand ce n’est pas l’enculture.

  3. 100.000 mètres carrés, répartis sur 70 hectares.

    Y avait de quoi faire une belle prison, non ?
    Tant qu’à faire à loyer gratuit ou presque.

  4. La manufacture d’Aubusson, Robert Four, avec son savoir faire ancestral, semble encore s’en sortir , avec des tapisseries à motifs et de style ancien, mais aussi de style contemporain, entièrement faites à la main, ; il y a des facilités de paiement ce qui n’est pas négligeable !
    C’est comme tout , je pense que cette fabrication de tapisseries décoratives, pourrait revenir à la mode !
    Aubusson est dans la Creuse, et la tapisserie est inscrite au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco ! La création de la manufacture date de 1952 .
    Quant aux logements, nous avons des petites maison en face de l’entreprise, La Rodiaceta à Besançon qui fabriquait le nylon, le tergal et qui employait quelques milliers de personnes, aujourd’hui fermée et démolie en grande partie ! Elles abritaient les employés ! La même chose pour les papèteries qui sont nombreuses dans la région, les industriels logeaient leurs employés. Et puis il y a , à Arc et Senans, dans le Doubs, un bâtiment en forme de demi cercle , d’une grande beauté architecturale construit par Nicolas Ledoux et qui était une saline royale, classée au patrimoine mondial.
    Les employés étaient logés dans l’enceinte même et sortaient par la petite porte – il y a une petite porte d’entrée par rapport à la grandeur du bâtiment – l’explication étant qu’il fallait surveiller les employés afin qu’ils ne sortent pas avec des quantités importantes de sel, qui était cher à l’époque !

  5. Toutes les maisons construites en 1933 et plus, sont toujours habitées et évidemment rénovées, à savoir que ce sont des maisons en pierre et que les murs de la cave avaient une épaisseur de 60 Cms, il y avait au rez- de chaussée une grande cuisine et un grand séjour, à l’étage 2 chambres mansardées + 1 cabinet de toilette et au-dessus un grenier! dans les années 60 il fallait aller chercher l’eau dans une grande cour non loin où nous habitions,en ce qui concerne le chauffage il y avait une cuisinière à bois et dans chaque chambre un mirus à bois et à cette époque on ne s’inquiétait pas du monoxyde de carbone.

  6. Grand merci pour ce magnifique article , ces belles oeuvres que je peux découvrir grâce à vous ! Bravo à RR

  7. Quelles beautés et savoir faire exceptionnel.
    On ne reverra plus jamais de telles merveilles et ce n’est pas avec les petits branleurs d’aujourd’hui qui ne travaillent qu’avec les pouces sur leur téléphone qu’on va inverser la vapeur.

    • et nous ne sommes pas près de revoir autant de monde aux sorties de ces usines, j’ai travaillé dans une filature alors que j’avais à peine 15 ans et à ma 1° embauche je travaillais en équipe le matin de 5h à13heures du lundi au samedi et pour l’équipe d’après midi 13h/ 22 h du lundi au vendredi.

  8. bin oui tout ça c’est dommage, mais il ne faut pas oublier que DMC ne prenait pas de gants avec ses concurrents.
    A la fin des années 70 DMC avait racheté l’usine de la Blanchardière qui fabriquait des toiles à matelas de très bonne qualité à Flers (Orne) qui était la propriété des frères Véniard, qui à l’âge de la retraite les 2 frères n’ayant pas d’enfants, vendirent leur usine au groupe DMC qui dans un 1° temps modernisa la filature existante, puis les métiers tout neufs n’ont jamais été mis en route et l’usine de la Blanchardière fut fermée et démantelée en 1980.
    Pour la petite histoire Flers fut une ville qui avait beaucoup d’entreprises de textile, à tel point que beaucoup de rues ont des noms de tisserands célèbres et la Navette et l’emblème de la ville de Flers.
    P.S.Il n’y a pas que DMC qui avait construit des maisons pour leurs ouvriers, car à Flers, la famille Duhazé prédécesseurs des frères Véniard avait dès 1933 construit des maisons, et lorsque ma mère est arrivée avec ses parents et ses frères et sœur c’était leur première maison dans laquelle il y avait l’électricité .
    Je me souviens que le loyer que mes parents payé en 1975 était de 25 francs.

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