Paris 1938 ou la Ville-lumière vue par un Varsovien

Lukasz Borkowski présente Paris 1938 à la Radio Polonaise… Vive la France !

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La Pologne s’intéresse énormément à la France, je savais ça déjà au biberon. Après « Vienne 1913 » et « Londres 1967 », Piotr Szarota présente fin 2019 « Paris 1938 » à ses compatriotes. Un remarquable portrait de ce qui fut une capitale véritablement digne de ce nom. La métropole était autrefois le parfait reflet de son temps et méritait largement son titre de Capitale du Monde.

 

Boum, quand votre cœur fait boum

 

Piotr énumère les Parisiens de choix Hemingway, Picasso, Dali, Stravinsky qui optèrent pour ce lieu châtié fait de tradition et de modernité, pétillant de vie culturelle. Il évoque un certain gamin de 10 ans Lucien Ginsburg s’extasiant face aux Trenet, Chevalier, Piaf : il en prendra de la graine.

 

Piotr enchaîne sur la Coupe du Monde : le 19 juin 1938 à Colombes, les Italiens boostés par un Mussolini remonté comme une pendule battent les Hongrois 4-2 en finale et personne ne proteste contre l’hymne nazi Horst Wessel Lied chanté par les Allemands qui se verront battus 4-2 par la Suisse le 9 juin alors que la Mannschaft pouvait compter dans ses rangs sur les meilleurs joueurs autrichiens.

 

Piotr rappelle qu’en 1938 les maîtres du monde cinématographique sont Jean Renoir (La Bête humaine, 1938) et Marcel Carné (Le Quai des brumes, 1938) : leur cinéma lugubre inspirera les producteurs hollywoodiens. Cinéma à tel point noir que la droite réclame plus d’optimisme patriotique et d’âme nationale sur pellicule. Et la droite ultra-nationaliste impute même ce « déclin mélancolique » à l’influence des réfugiés juifs et allemands fraîchement arrivés à Paris…

 

Marcel Carné, 1975 : « Amusé, j’ai découvert il y a peu de temps, et sans que j’y sois évidemment pour rien, qu’il se trouve que l’anagramme de mon nom est : É C R A N »

 

D’ailleurs, un plongeon dans la France d’autrefois

 

Un curieux melting-pot

 

Des communautés étrangères de deux types s’y entrecroisent : ceux qui sont arrivés volontairement par attrait culturel ou pécuniaire pour la France et ceux qui fuyaient leur propre brasier politique : Espagnols, Autrichiens, Tchèques, Allemands, Russes.

 

En 1938, Paris était encore relativement chanceuse par rapport à ses voisins : une République espagnole agonisante, une Autriche annexée, une Allemagne vivant déjà sous la terreur politique nazie, même constat en URSS via Staline ou plus loin en Chine où les Japs commettent un génocide d’une atrocité inégalée.

 

Un havre de paix ?

 

Oui, mais cela n’exclut pas un climat xénophobe et même antisémite entretenu par ces mêmes étrangers. De passage à Paris en 1938, le philosophe allemand Ludwig Klages y tient des propos antisémites vite relayés par la minorité des intellectuels roumains hébergés à Paris.

 

Piotr écrit avec sarcasme qu’après le 3 Septembre 1939, les Français se ruèrent avec détermination sur les Allemands. Certes pas sur la Wehrmacht mais sur les réfugiés civils allemands et autrichiens dont plusieurs dizaines de milliers furent logés dans des camps d’internement sans considération de leurs opinions politiques ou de leur passé.

 

Par exemple, le dadaïste et surréaliste Max Ernst (Brühl 1891 – Paris 1976) est interné au Camp des Milles près d’Aix-en-Provence alors qu’il vivait paisiblement à Montparnasse depuis… 1922 ! Le Camp des Milles, une partie de plaisir avant sa funeste affectation de 1942 ou le sort des Juifs français en mode Vichy.

 

Les ressortissants de l’Allemagne nazie devaient soit accepter l’internement soit fuir. Le paradoxe, c’est que la route vers la (statue de la) liberté passait par l’Espagne franquiste et le Portugal de Salazar, Lisbonne étant le point de départ vers les USA.

 

Un bien triste sort attend le philosophe juif allemand Walter Benjamin. Il sera interné au camp du stade de Colombes avant d’être libéré ultérieurement. La veille de l’arrivée de la Wehrmacht à Paris, il filera vers le sud de la France. À Portbou, il apprend que Franco a fermé la frontière franco-espagnole et se suicide le 26 septembre 1940. Il écrit : Dans une situation sans issue, je n’ai d’autre choix que d’en finir. C’est dans un petit village des Pyrénées où personne ne me connaît que ma vie va s’achever. Un choix bien cruel puisque l’information s’était révélée fausse et que ses compagnons de fuite atteignirent le Portugal sans encombre.

 

Aux grands maux, les grands remèdes

 

Peut-on reprocher à la France d’avoir agi de la sorte envers les réfugiés allemands ? Oui et non car l’éthique « citoyenneté européenne » en est encore à ses balbutiements. Il faut se replonger dans le climat de la Drôle de Guerre et la psychose de la cinquième colonne : dans un tel contexte, les ressortissants d’un pays ennemi sont automatiquement hors-jeu social, ceci explique cela.

 

Paris 2020

 

Je ne peux qu’encourager Piotr Szarota à s’attaquer à « Paris 2020 » car les analystes polonais dressent, dans leur grande majorité, un tableau bien sombre des banlieues françaises, sombre comme Le Quai des Brumes islamiques ou La Grande Illusion d’une religion de paix et d’amour.

 

Le Camp des Milles fut le lieu d’internement des étrangers. En 2020, la France propose à ses étrangers son Camp des Mille et Une Nuits, une caverne d’Ali Baba d’avantages sociaux. En fait, c’est la caverne d’Ali tout court puisqu’on l’a tous dans le baba. Par contre, l’allégorie de la caverne de Platon reste d’actualité et ses ombres sont islamiques.

 

Richard Mil

Paris 1938

La civilisation coincée entre deux totalitarismes

 

Allez, juste pour se sentir Français…

 

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