De l'excellent programme économique de Donald Trump : non au libre échange et à la mondialisation

Les projets économiques du Président Trump

 

Ce vendredi 20 janvier, M. Donald Trump est donc entré en fonction comme 45ème Président des Etats-Unis. Il a prononcé un discours d’investiture qui était très attendu pour les différentes précisions qu’il devait apporter sur son programme. Au-delà des manifestations tant de joie que de colère que cette inauguration du nouveau Président a immanquablement provoquées un certain nombre d’interrogations se posent. Dès avant son investiture, Donald Trump a commencé à dévoiler son programme économique. En choisissant d’inciter certaines entreprises, en particulier dans le secteur automobile, à revenir sur le territoire des Etats-Unis, il a donné une première image de ce que pourrait être sa présidence. Il a bien montré quelles seront ses futurs adversaires, les grandes puissances mercantilistes comme la Chine ou l’Allemagne, mais aussi – dans une moindre mesure – le Mexique et le Canada.

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La question des réductions fiscales

Il s’est engagé tant sur des réductions d’impôts que sur un programme de relance budgétaire. De ce point de vue, son programme économique apparaît peu différent de celui de Ronald Reagan quand il fut élu en 1980. Mais, la situation économique des Etats-Unis n’est plus celle des années 1980. Une extrapolation du « reaganisme » n’est donc pas possible. La structure fiscale des Etats-Unis est aujourd’hui extraordinairement inégalitaire. Les plus riches, ceux que l’on appelle les « 1% » de la population, concentrent aujourd’hui encore une grande partie des la richesse, qu’elle soit produite ou accumulée, et concentrent aussi une part décisive des exemptions fiscales. L’enjeu du programme de Donald Trump est donc clair. Si Donald Trump se décidait en faveur d’exemptions favorisant la classe moyenne, ce serait, pour le coup, une véritable révolution. Les différents projets sur lesquels il a communiqué, et en particulier la taxe sur le chiffre d’affaires produits aux Etats-Unis, dans un pays qui ne connaît pas la TVA, pourraient changer significativement la situation fiscale.

Les dépenses publiques ne sont cependant pas le seul problème posé aujourd’hui. La question des investissements en infrastructures a envahi le débat lors de la campagne électorale de l’automne dernier avec une toute particulière acuité. Les Etats-Unis ont laissé se détériorer progressivement une grande partie de leurs infrastructures, routes, ponts, hôpitaux, mais aussi les écoles et divers bâtiments publics. Donald Trump a promis d’engager 1000 milliards de dollars sur ces investissements. Encore faut-il savoir que l’Etat américain ne devrait s’engager qu’à hauteur d’environ 350 milliards car ces investissements doivent être réalisés dans le cadre de partenariat entre le secteur public et le secteur privé, ce que l’on appelle le PPP (Public Private Partnership).

La détérioration des grandes infrastructures publiques pèse désormais sur les gains de productivité de l’économie américaine. Or, sans de nouveaux gains réguliers, il ne pourra pas y avoir de progrès économique et social. Il y a, et c’est une évidence, fort à faire sur ce point car la colère et la rancœur accumulée dans la population américaine, cette même colère et cette même rancœur qui ont rendu possible l’élection de Donald Trump, sont aujourd’hui devenues explosives. C’est là l’un des principaux enjeux de le Présidence Trump. C’est sur sa capacité à créer un cadre permettant à l’ensemble de la population américaine de bénéficier de la croissance économique à venir qu’il sera jugé.

L’impact des mesures sur les taux d’intérêts

Le problème est que, si vous additionnez ces deux promesses, les réductions d’impôts et les investissements en infrastructures, vous obtenez un déficit budgétaire de l’Etat fédéral en forte hausse. Les estimations des économistes le situent actuellement entre 5% et 7% du PIB des Etats-Unis pour l’exercice 2017-2018, car il faut savoir qu’aux Etats-Unis, le budget ne correspond pas à l’année légale. Il commence (et s’achève) en été. Le premier budget qui portera donc l’empreinte de Donald Trump, mais aussi celle des compromis qu’il devra passer avec les Républicains tant au Sénat qu’à la Chambre des Représentants, sera celui de 2017-2018.

Un déficit important pour les deux premiers budgets de la Présidence Trump impliquerait une forte hausse de la dette publique. Comment, alors réagira la Banque Centrale des Etats-Unis, ce que l’on appelle la Réserve Fédérale ou la FED ? Sa Présidente, Mme Yellen, à déjà laissé entendre qu’elle allait procéder à des hausses de taux d’intérêts en 2017. Pourrait-elle, en réponse au programme économique de Donald Trump, aller plus loin que ce à quoi elle s’est plus ou moins engagée ?

La question est d’importance, car du taux d’intérêts des Etats-Unis dépend à la fois le taux d’intérêt des autres monnaies, mais aussi le taux de change entre le Dollar et l’Euro. Peut-on s’attendre à une forte hausse du Dollar, venant après celle que l’on a connue en 2015 ? Il est ici important de comprendre que le Président des Etats-Unis, s’il dispose d’une très grande liberté d’action en ce qui concerne la politique étrangère, doit nécessairement en passer par le Congrès des Etats-Unis, Chambre des Représentants et Sénat. Le Président des Etats-Unis (et son gouvernement) ne peut présenter une loi devant les deux chambres, ce qui constitue une importante différence avec la France où le gouvernement à l’initiative des lois. Il convient d’intégrer cette dimension particulière de la politique américaine quand on se penche sur le dollar ou sur le budget.

Un basculement vers le protectionnisme ?

La question du protectionnisme va aussi être certainement au cœur des interrogations des politiques et des experts. Car, ce que suggèrent les différents messages envoyés par Donald Trump par l’entremise de Twitter, ce qui constitue d’ailleurs une grande première pour un Président des Etats-Unis, c’est bien une certaine forme de protectionnisme. Bien sûr, le cadre légal des Etats-Unis a toujours été bien plus protectionniste que celui des pays de l’Union européenne. Rappelons que nous n’avons pas, ni dans le cadre de l’UE ni dans celui de la France, d’équivalent du Buy American Act ou du Small Business Act, qui réserve à des petites entreprises américaines une part des marchés publics. Au-delà donc des messages envoyés par l’entremise de Twitter, Donald Trump a déclaré son opposition aux grands traités de libre-échange, que ce soit le traité trans-pacifique ou que ce soit le TAFTA.

Cette opposition est intéressante ; elle conduit aujourd’hui à un débat à fronts renversés, où ce sont les Etats-Unis qui s’avancent sur le chemin du protectionnisme alors que les chinois et les européens se posent, en particulier à la conférence de Davos, en défenseur du libre-échange. Ceci est remarquable de la nouvelle période qui s’ouvre et à laquelle François Hollande semble bien ne rien avoir compris[1]. L’Allemagne est ici directement visée par Donald Trump. C’est le résultat de sa politique ouvertement mercantiliste, politique qu’elle développe d’ailleurs en symbiose étroite avec la Chine. L’Allemagne cherchera donc à se protéger des Etats-Unis en s’abritant derrière l’Union européenne. Il n’est pas sûr, et c’est le moins que l’on puisse dire, que ce soit l’intérêt des autres pays de l’UE d’accepter cela, et de payer pour une politique dont, eux aussi, ils sont les victimes. La défense de l’UE par François Hollande se trompe de signe car, ce qui condamne à court terme l’UE, outre l’incapacité et l’arrogance de ses bureaucrates, c’est bien l’attitude de l’Allemagne[2].

Cette attaque contre la globalisation n’est pas si étonnante que cela. Une étude, datant de 2007, montrait que l’ouverture du marché des Etats-Unis à la concurrence internationale était responsable de la stagnation des salaires dans ce pays. Rappelons ici que si le salaire moyen s’est remis à augmenter aux Etats-Unis, le salaire médian, c’est à dire celui qui divise en deux parties égales la masse des salariés, n’a cessé de baisser depuis 2000. En fait, le libre-échange a été mis en cause par divers grands économistes, de Keynes à Krugman et Rodrick. L’idée que le libre-échange produit un bien-être généralisé a été battue en brèche à de nombreuses reprises. En réalité, le libre-échange est la cause de bien des inégalités au sein des pays développés, mais aussi du chômage et de la destruction des droits économiques et sociaux acquis à la suite de grandes luttes par les travailleurs.

Alors, un milliardaire prendrait la défense des travailleurs ? On comprend immédiatement que les choses ne sont pas aussi simples que cela. Mais on devine, aussi, que l’on ne peut déduire le programme économique de Donald Trump de sa simple, et pour certains enviable, position personnelle.

Ces différentes interrogations ont été abordées sur Radio-Sputnik dans l’émission « Les Chroniques de Jacques Sapir ». Vous pouvez retrouver l’émission qui fut consacrée à la question du Dollar ici :

https://fr.sputniknews.com/radio_sapir/201701181029645085-dollar-amerique-trump/

L’émission portant sur la possibilité d’une relance impulsée par la politique de Donald Trump se trouve ici :

https://fr.sputniknews.com/radio_sapir/201701201029697869-relance-economique-donald-trump/

Enfin, l’émission ou fut abordée la question du protectionnisme se trouve ici :

https://fr.sputniknews.com/radio_sapir/201701201029703323-usa-danald-trump/

[1] http://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/hollande-denonce-le-protectionnisme-prone-par-trump_1871178.html

[2] http://www.huffingtonpost.fr/2017/01/16/francois-hollande-repond-sechement-a-donald-trump-apres-ses-atta/

http://russeurope.hypotheses.org/5609

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12 Commentaires

  1. est-il vrai que le gouvernement choisi par Trump n’a pour l’instant pas reçu l’aval du congrès ?
    Seules deux personnes ont été acceptées sur le groupe

    • merci de m’avoir signalé cette émission je viens d’en faire un compte-rendu et de le publier

      • @Bonjour Madame Tasin ;
        Oui, j’ai lu votre article ! Vous avez pu visionner TOUTE la vidéo ????
        Je me suis fait violence pour écouter au moins un tiers de la cage aux fous, parce que cette volière ressemble bien à çà. C’est incroyable et incroyablement fatiguant !
        Vous allez bien au moins ?!
        ;o)

        • oui j’ai bien écouté, c’est mieux pour faire un article 😉 Tout va bien merci.

  2. @xremps ; bonsoir !
    -“Je pense que le Président Trump, étant un homme d’affaire lui même, doit connaître tous les enjeux économiques mieux que quiconque”-
    En effet !
    J’ai lu hier, mais je n’ai pas osé proposer l’article de peur de donner non pas du caviar, mais de la mal bouffe à ses détracteurs.
    En fait l’article soulignait que Trump est milliardaire, une fortune bâtie par son savoir faire, sa connaissance des milieux financiers et d’entreprenariat.
    Ça, c’était le premier point ; le deuxième mettait en évidence les membres de son gouvernement , aucun de “clodo” comme on peut s’en douter, bien au contraire.
    Tous, comme lui, chefs d’entreprise florissantes ayant une grande expérience des affaires et de leurs traitements ; tous motivés pour mettre leur savoir faire à la reconstruction du pays dans leur domaine de compétence.
    On n’oublira pas que Trump a financé sa campagne, qu’il refuse ^son salaire de président et qu’il a remis les clefs de ses entreprises à ses fils pour se dédier à la tâche dans laquelle il a voulu se lancer ; sauver son pays et le remettre sur pied.

  3. Une question que je m’atais posée : “La dette des USA détenue par la Chine ?” Trump ayant décidé d’adopter le protectionisme économique pour son pays, la question se pose de cette dette et de son impact dans le projet Trumpien et pour l’économie mondiale en général.
    Un début de réponse, un point de vue, un article sur Blvd Voltaire de Christophe Sevan – (Gestionnaire de fonds d’investissement)
    ARTICLE : Washington doit-il toujours craindre la dette en dollars détenue par la Chine ?
    :: http://www.bvoltaire.fr/christopheservan/washington-toujours-craindre-dette-dollars-detenue-chine,308750

  4. En directe ligne de “America first”, les républicains viennent de déposer un projet de loi pour que les États-Unis quittent tout simplement les Nations Unies qui coûtent plus de 3 milliards de dollars par an au pays. Si ce projet est voté et signé par Donald Trump, le siège des N.U. devra quitter New York, sans doute pas immédiatement car la mise en application pourrait demander 2 ans. http://www.express.co.uk/news/world/757730/United-States-leave-UN-funding-row-Donald-Trump-Brexit

  5. Oui bien sûr , en écoutant les différents avis, nous voyons bien l’économie mondial prendre le dessus sur les décisions politiques, et nos élus des employés de service du système, qui répètent comme des perroquets à l’envi pour le système, et les peuples lambda perdus dans les méandres économiques du système mondial, sont écartelés tellement que les spéculations sont fortes et importantes où les peuples du monde qui ne contrôle rien, n’ont aucune place dans ce monde économique totalitaire et vu comme des biens achetables, vendables et jetables sans frontières, avec les cultures, traditions et races qui gênent le système et qui représentent encore des pouvoirs des peuples, sont arrachés si possible.
    Je pense que le Président Trump, étant un homme d’affaire lui même, doit connaître tous les enjeux économiques mieux que quiconque et pour avoir réussit par lui même, de connaître tous les acteurs économiques et stratégiques, dont tous les joueurs dans cet énorme monopoly, et il doit avoir forcément des partenariats pour oser ce qu’il entreprend, seul de lui même est impossible.
    Je ne pense pas que les marchés sont, tout bonnement, aléatoires, mais une volonté stratégique derrière d’imposer un pouvoir mondial établi sur les peuples du monde à la servitude.
    Et donc pas seulement des enjeux économiques mondial, mais avec un suivit stratégique mondial derrière bien contrôlés, tout est pipé, bridé et établis d’avance par un agenda, comme les peuples du monde sont livrés pieds et poings liés au système mondial où les frontières ne sont pas physiques, mais économiques et stratégiques par ceux qui sont au dessus des lois établis pour les peuples du monde.
    Tandis que pour le système d’autres lois, règles de fonctionnement et de protection s’imposent forcément aux gens du système, qui les protègent eux, mais pas les peuples du monde.
    Deux mondes parallèles, l’un dominé et l’autre dominant, qui ne peut avoir aucune empathie pour les peuples qu’il domine forcément.
    Et n’est rien d’autre qu’un monde d’esclave à la merci et aux bons vouloirs du système mondial dominant.

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