Islam : la jurisprudence donne raison à Pierre Cassen et à Christine Tasin

On ne peut nier que l’islamisation se fait largement au niveau local, et pas seulement national ou international. Communes, départements, régions et autres collectivités locales peuvent contribuer, de gré ou de force, à l’accueil de l’islam sur notre sol.

Certes, la loi de 1905 leur interdit de subventionner un culte. Toutefois, elles peuvent, par exemple, mettre à disposition des locaux en se faisant rémunérer et même elles peuvent se trouver contraintes de le faire. Si les mairies peuvent utiliser le droit de l’urbanisme pour limiter la possibilité pour une mosquée ou une école coranique de s’implanter sur leur territoire, comme je l’évoquais récemment, la jurisprudence a consacré un devoir à leur charge, permettre l’exercice collectif du culte, ce qui revient à forcer leur liberté de passer ou de refuser de passer des conventions avec des associations cultuelles (liberté contractuelle).

Certaines communes subissent des pressions pour l’octroi de baux emphytéotiques (qui posent d’énormes difficultés que j’avais abordées l’année dernière), des salles de prière lors des fêtes musulmanes ou encore des lieux de sépultures confessionnels, comme c’était le cas dans une affaire jugée par la cour administrative d’appel de Nantes le 4 mars 2011 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000023886315).

Or, le Conseil d’Etat, au moins depuis une décision du 26 août 2011, a considéré que la liberté de culte impliquait une action positive des collectivités publiques. Certaines ne se font pas prier, d’autres sont réfractaires

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000024566369&fastReqId=77377774&fastPos=1

Cette affaire se rapportait encore à l’islam, le ramadan en l’occurrence… Cela dit, cela pourrait concerner n’importe quel culte et, justement, cela pose des difficultés considérables, les mêmes que celles que suscite par exemple le projet de loi el Khomry, tant les cultes dans le monde et dans l’histoire ont été nombreux et divers, leur désuétude ou leur caractère exotique n’empêchant personne de prétendre y adhérer, ce qui devrait obliger les collectivités à faire droit même aux demandes les plus fantaisistes. Comme à propos de ce projet de loi, d’ailleurs, il est question de l’exercice collectif du culte (sous forme de salles de prière pour ce qui concerne les relations de travail).

A cet égard, j’ai aussi en tête les propos de Pierre Cassen intervenant sur LCP et reprochant à l’islam d’être le fer de lance de la remise en cause de la laïcité…
Ainsi, le Conseil d’Etat a condamné une commune qui avait refusé de mettre à disposition une salle municipale pour l’aïd el kébir (ordonnance de référé du Conseil d’Etat du 23 septembre 2015 : http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Selection-des-decisions-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/Ordonnance-du-23-septembre-2015-association-des-musulmans-de-Mantes-sud

Pourtant, le principe d’égalité entre les citoyens s’oppose vigoureusement à cette solution : chacun pourrait alors prétendre avoir droit à une salle municipale pour un usage privé. Il n’y a aucune raison, dans une République non islamique, pour qu’invoquer Allah permette de bénéficier d’une faveur particulière.

Le même jour, le Conseil d’Etat a connu d’une affaire portant sur des abattoirs temporaires.

On a tous en tête l’intervention de Christine Tasin à Belfort et la vidéo qui circule depuis sur internet. Ses propos sur les problèmes de salubrité publique reçoivent un écho en jurisprudence.
En effet, l’autre ordonnance de référé du 23 septembre 2015 concernait ainsi une décision d’un préfet qui avait refusé d’autoriser l’installation d’un abattage temporaire d’ovins durant l’aïd el adha. Un recours juridictionnel fut formé pour violation de la liberté de culte, mais rejeté : le préfet fut approuvé par le juge, car il s’est fondé sur des manquements graves aux règles sanitaires d’abattage lors de l’aïd el adha précédent, le détail est exposé dans la décision :https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do;jsessionid=DCEFF797CCA7E139A24E5FA253F4A9D2.tpdila16v_2?oldAction=rechExpJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000031281229&fastReqId=1503891178&fastPos=678

 On peut s’en réjouir, mais ces difficultés sanitaires ont fourni à d’autres collectivités un motif pour collaborer à l’aïd el kebir, dans des conditions telles que la violation de la loi de 1905 était invoquée.
La cour administrative de Nantes, le 20 décembre 2012, n’a rien trouvé à y redire, faisant application de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 26 août 2011 évoquée ci-dessus

 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000026810726&fastReqId=171290362&fastPos=1

Dans cette affaire, un citoyen a ainsi attaqué en justice la décision d’une collectivité d’aménager des locaux pour l’aïd el kébir. Une enveloppe budgétaire avait été votée pour le financement des travaux. La violation de la loi de 1905 était donc invoquée. Le recours n’aboutit cependant pas, la cour invoquant « un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique »…

Voici ce que signifie cette formule alambiquée : l’intérêt public local résidait dans le fait que la communauté musulmane n’était pas satisfaite des conditions dans lesquelles l’abattage rituel avait été pratiqué dans le passé.

Explication : à la suite d’abattages clandestins, à l’occasion de l’aïd-el-kébir, le réseau d’assainissement collectif de la communauté urbaine s’est trouvé obstrué par des boyaux d’ovins, à proximité de la mosquée, « nécessitant un nettoyage complet, afin de prévenir tout danger sanitaire ». Face à ce danger, un rappel à l’ordre eut lieu, qui obligea à recourir, l’année suivante, au transport des moutons vers un abattoir situé à 150 kilomètres.
Les juges considèrent alors « que cette opération n’a abouti qu’à l’abattage d’une centaine de bêtes et n’a pas recueilli l’adhésion de la communauté musulmane »…
Où est donc passé l’intérêt général au nom duquel les collectivités publiques doivent agir, ce qui, au fond, procède de l’égalité républicaine ?
Finalement, qu’il s’agisse du fondateur de Riposte laïque ou de la présidente de Résistance républicaine, leurs adversaires les ont raillés à propos des interventions que j’ai citées, mais ces derniers feraient bien d’aller faire voir la jurisprudence, entre autres, puisqu’elle donne raison aux premiers ! Les faits, rien que les faits…

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10 Commentaires

  1. Malgré les contraintes que la jurisprudence fait peser sur les collectivités territoriales pour collaborer à l’exercice des cultes, elles disposent parfois de l’urbanisme pour s’opposer à des projets tels que la construction d’une mosquée, d’une école coranique ou encore d’un collège privé musulman

  2. Salut , Merci pour vos articles ( 20/20 ) et encore +++++ .
    Bonne journée .

  3. Ils ne passeront pas, même là par où le juge pêche, la jurisprudence l’en empêche !

  4. Quand les citoyens auront fait rétablir la peine de mort et remis en service les guillotines, les juges y regarderont en fin à deux fois avant de se prononcer en faveur du parti de l’étranger et d’une théocratie totalitaire qui tente d’imposer ses lois contraires à notre Constitution et aux droits de l’homme.

  5. Bravo à Christine et Pierre pour leur courage et leur persévérance malgré les embûches, les procès ,les insultes ,l’impression de se battre contre des moulins
    la lassitude
    Merci à vous

  6. Pfff, Le boulot !
    Félicitation en tout cas pour la plongée dans les attendus de toutes sortes et déterrages divers que le titre de votre article et vos explications laissent à supposer !
    Du beaume au coeur pour la Lionne de Belfort et le Poulpe masqué, à moins que peut-être Cyrano.
    Vous paraissez drôlement ferré en droit et rappellez une autre personne qui longtemps nous a guidé de son savoir, dans un autre domaine. Philippe Jallade, qu’on ne lit plus et a qui il nous arrive toujours de penser. Si vous nous permettez un bonjour s’il nous lit, ou le lui transmettre.

    • Merci Maxime.
      La conclusion de mon article est peut-être ambiguë : il faut bien comprendre que quand j’écris que la jurisprudence donne raison à nos héros, c’est parce qu’ils ont raison de dénoncer… ce qui est jugé ! La jurisprudence sur l’intérêt public local, de mon point de vue, ne tient pas la route car elle est incompatible avec la laïcité.
      Par ailleurs, je n’arrive pas à la cheville de Philippe Jallade, dont les analyses de l’islam étaient extrêmement poussées et la maîtrise de l’arabe remarquable.
      Je me contente de déterrer (vous avez bien choisi) des contentieux parfois riches d’enseignement… et il m’en reste encore pas mal en stock (je prépare notamment un dossier sur le ramadan en entreprise) ! 😉

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